La psychopathologie du travail

Quels sont ses objets ? Quelle est son histoire ? Quel est son regard sur la santé mentale ? Quels sont ses moyens d'action ?

Quels sont ses objets ?

« Pas un bonjour, pas un merci, pas un au revoir », c'est le constat que font, chaque jour, les chauffeurs de bus et les caissières. Dans la file d'attente qui mène au guichet, les soupirs et les plaintes pressent l'agent d'accueil, débordé, de faire plus vite. Entre clients et commerçants, les gestes d'incivilité et d'agressivité font partie de l'ordinaire. Dans les bureaux, c'est une violence plus diffuse qui mine le quotidien des salariés : exigences croissantes de rendement, absence de reconnaissance, harcèlement moral, individualisme et « compétition féroce derrière des semblants de camaraderie » 1...

A en croire les études épidémiologiques, l'univers professionnel n'a jamais tant affecté le psychisme des hommes. 10 % des salariés seraient concernés par l'un ou l'autre de ces troubles liés à la sphère professionnelle : dépression, anxiété, colère, agressivité, surmenage, épuisement, suicide...

Fait curieux, le travail serait de plus en plus à l'origine de maladies physiques. Une épidémie de douleurs dorsales et lombaires, d'inflammations musculaires, de tendinites en tous genres sévit dans les pays industrialisés. Ces pathologies regroupées sous le nom de « troubles musculo-squelettiques » (TMS), n'ont pas cessé de croître depuis les années 80 et constituent maintenant la première maladie professionnelle.

Les chercheurs et les médecins du travail s'interrogent : comment se fait-il que les problèmes physiques de santé liés au travail augmentent, alors que ses conditions n'ont jamais été si « confortables » ? L'ergonomie relègue les tâches les plus ingrates aux machines, le temps de travail a diminué... Force est de reconnaître que des facteurs psychologiques sont, cette fois, en cause.

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La recrudescence des TMS et de certains troubles cardiovasculaires refléterait des troubles psychiques plus profonds, liés aux nouveaux modes de travail. Les métiers de services, en pleine expansion dans les pays industrialisés, sont les plus touchés par ces maladies d'expression somatique. Leur étude par la psychodynamique du travail a permis de mettre au jour certains de leurs éléments pathogènes 2 : l'agent adopterait un mode de fonctionnement robotisé (il « interrompt sa pensée » et augmente la cadence) pour oublier l'absurdité de la tâche, satisfaire les exigences de rendement et « supporter » le client... Jusqu'au jour où le corps exprime un trop-plein de souffrance.