Maisons hantées, dames blanches et autres zombies… L’imaginaire collectif est plein d’histoires de morts qui ne le seraient pas vraiment et les récits d’apparitions ne datent pas d’aujourd’hui. « À chaque catastrophe, qu’il s’agisse d’épidémies, de séismes ou de la crise de l’an mil, des pandémies de fantômes ont été constatées, raconte le médecin légiste, anthropologue et archéologue Philippe Charlier, notamment auteur de Autopsie des fantômes (Tallandier, 2021). Faute de rituels parfaits, on imagine que les “mauvais morts”, mécontents, reviendront hanter les vivants. »
Aujourd’hui encore, ces croyances surnaturelles sont parfois prises très au sérieux. Dans In Tenebris (Payot, 2021), la journaliste scientifique Marine Benoît enquête sur huit récits troublants. « Pour étudier ce genre de phénomènes, il ne faut tomber ni dans le jugement ni dans le sensationnalisme. Il faut le faire scientifiquement, à travers la sociologie, la psychologie, la physique, la neurologie… » Elle étudie notamment l’histoire de Lucie, un fantôme qui aurait hanté le château médiéval de Veauce, en Auvergne. En août 1984, des journalistes sont conviés à rencontrer ce spectre par l’étrange propriétaire de la bâtisse. Ils sont accompagnés par un homme se présentant comme médium et par sa petite-fille. « S’ils sont venus en espérant voir quelque chose, beaucoup n’y croyaient probablement pas », suppose M. Benoît. Pourtant, vers minuit, les six personnes présentes font face, pendant 25 minutes, à une forme lumineuse de couleur blanchâtre flottant au-dessus du sol. Cette histoire a fait grand bruit mais peut aussi s’expliquer rationnellement. « L’ambiance qui devait régner ce soir-là dans le château pouvait inciter à surinterpréter, explique M. Benoît. En l’occurrence, la position et l’intensité lumineuse de la lune pourraient avoir causé un rai de lumière. »
Expérience extraordinaire
Pourquoi tous les témoins sont-ils alors persuadés d’avoir aperçu un fantôme ? « Nous avons tous la volonté, même inconsciente, de vivre une expérience extraordinaire, analyse-t-elle. Il faut également prendre en compte l’influence du groupe : il suffit qu’une personne soit convaincue du caractère paranormal de l’apparition pour que tous y croient. » Les mécanismes psychologiques individuels rentrent aussi en jeu. « Les expériences du passé peuvent agir sur notre crédulité. » L’histoire de Lily, qui voit des apparitions à Collioure depuis 1984, est assez emblématique : la jeune femme serait en fait hantée par des traumatismes de son enfance. Tendance à l’imaginaire plus développée, influence du folklore ou encore hypersensibilité… De nombreux facteurs peuvent plus généralement expliquer la tendance d’une personne à croire ou non au surnaturel.