Qu'est-ce qu'un chamane?
Le premier auteur à avoir introduit le mot « chamane » en Occident fut un ecclésiastique russe, Avvakum Petrovitch, exilé en Sibérie au xviie siècle. Dans son Autobiographie, A. Petrovitch décrit une cérémonie de divination à laquelle il a assisté. Sommé par un chef de guerre de lui dire si une expédition chez les Mongols s'annonce favorable, le saman (chamane) s'exécute de la façon suivante : « Ce manant de magicien, près de ma cabane, amena sur le soir un bélier vivant et se mit à pratiquer sur lui sa magie : après l'avoir tourné et retourné, il lui retordit le cou et rejeta la tête au loin. Puis il commença à sauter et danser et à appeler les démons ; enfin, avec de grands cris il se jeta à terre, et l'écume sortit de sa bouche. Les démons le pressaient, et il leur demandait : " L'expédition réussira-t-elle? " Et les démons lui dirent : " Avec une grande victoire et grande richesse vous serez de retour " 1 . »
En toungouze, langue de Sibérie, le mot chamane 2 désigne un homme ou une femme qui entretient un contact privilégié avec les esprits. Son rôle est d'intercéder auprès d'un esprit-animal, afin d'obtenir son aide : pour rendre la chasse fructueuse, soigner des maladies, rendre la fertilité du sol, faire venir la pluie, repousser les mauvais sorts, retrouver un objet perdu ou faire de la divination.
Le contact avec l'esprit a lieu durant une cérémonie particulière. Au rythme du tambour, le chamane chante, danse puis entre dans un état qualifié de « transe ». Il est saisi de tremblements, se met à crier, et chute tout à coup comme s'il avait perdu conscience. Durant cette phase de « possession », le chamane effectue un « voyage » dans le monde des esprits-animaux et peut communiquer avec eux.
Pour les anthropologues, le chamanisme se définit par un mode de pensée caractéristique des sociétés de chasseurs (même s'il s'est propagé par la suite à d'autres types de société). Les animaux, comme les plantes, sont habités par des esprits (l'équivalent de l'« âme » humaine), qui sont autant de forces et principes vitaux qui animent la nature : ils permettent aux plantes de pousser, aux animaux de se reproduire, à la pluie de tomber. Ils sont donc responsables de la vie (et par conséquent de la maladie et de la mort).