Il y a quelques années, Joan Roughgarden s’appelait Jonathan : le chercheur en biologie de l’évolution est devenu une chercheuse, suite à un changement de sexe. Cette transformation n’est sans doute pas indifférente à sa conception de l’évolution. Dans Evolution’s Rainbow (« L’arc-en-ciel de l’évolution », 2004), J. Roughgarden défendait l’idée que tout n’est pas figé dans des lois strictes au sein de la nature. Dans son dernier livre, Le Gène généreux. Pour un darwinisme coopératif (Seuil, 2012), la biologiste développe une vision de l’évolution qui s’en prend à la théorie du « gène égoïste » de Richard Dawkins. Selon cette théorie, qui a eu son heure de gloire dans les années 1980, les organismes vivants – humains compris – sont des machines de survie et de reproduction pilotées par leurs gènes. Et le but unique de chaque gène est de perpétuer son existence. L’évolution serait donc dominée par deux lois implacables : la sélection naturelle, qui élimine impitoyablement les moins aptes à la survie, et la sélection sexuelle, qui est une compétition féroce entre individus du même sexe pour se reproduire. Or, voilà que depuis quelques années, la prédominance du gène a été fortement contestée dans les sciences du vivant. J. Roughgarden s’attaque donc aux deux postulats de R. Dawkins. Elle remet en cause la vision de l’individu comme organisme « égoïste » n’étant préoccupé que de sa reproduction au détriment des autres. La reproduction sexuée exige qu’un individu s’allie à un autre pour se reproduire et que leurs gènes se combinent. D’où une coopération plus ou moins poussée entre mâles et femelles. La coopération est donc un avantage de l’évolution. Chez les oiseaux, 90 % des espèces vivent en couple et élèvent ensemble leurs petits. Chacun a donc besoin de l’autre pour engendrer une nouvelle génération. Pourquoi ne pas considérer que l’unité de l’évolution serait la famille, le groupe plutôt que l’individu égoïste ?