Existe-t-il une « personnalité nazie » ? Les hauts dignitaires du IIIe Reich souffraient-ils de troubles psychiques spécifiques ? Autant de questions qui n’ont cessé de hanter l’esprit du jeune psychiatre Douglas Kelley, chargé de « soutenir la santé mentale » des 22 accusés de Nuremberg, avant qu’ils soient jugés. Cette obsession à comprendre le mal absolu qu’ils incarnent nous est ici retracée par l’historien américain Jack El-Hai, qui s’est basé sur les archives personnelles et les livres de Douglas Kelley, ainsi que sur le témoignage de son fils aîné. Après s’être attelé à guérir les soldats de leurs névroses de guerre, D. Kelley a donc eu l’occasion de s’entretenir longuement avec les nazis en captivité, parmi lesquels Hermann Göring, commandant en chef de la Luftwaffe et fondateur de la Gestapo. Selon l’historien, D. Kelley, bien que totalement hostile aux idées de l’homme politique, aurait été assez fasciné par sa personnalité. Il le décrivait notamment comme étant un homme intelligent, mais dévoré par un narcissisme et une ambition démesurés. Selon le psychiatre, aucun des accusés n’était atteint d’une pathologie grave. Ils étaient d’après lui assez normalement névrosés, ce qui lui faisait craindre que de tels personnages et de tels événements se reproduisent ailleurs, pour peu que le contexte le permette. Douze ans après son retour aux États-Unis, après avoir mené une grande carrière mais étant probablement resté ébranlé par cette expérience, D. Kelley a fini par se donner la mort de la même manière que l’avait fait H. Göring en 1946 : en ingurgitant une capsule de cyanure.
Le Nazi et le Psychiatre
Le nazi et le psychiatre . À la recherche des origines du mal absolu . Jack El-Hai , Les Arènes, 2013, 368 p., 19,90 €