Le pouvoir du magnétisme

Plonger un patient dans un état de somnambulisme pour qu’il guérisse de ses maladies, voire qu’il guérisse celles d’autrui : c’était l’enjeu du magnétisme animal, y compris pour les troubles mentaux.

Lorsque l’on se penche sur les thérapies dites « magnétiques », l’erreur fondamentale à ne pas commettre est de les apprécier à travers la psychanalyse ou la psychiatrie du XXe siècle. Un historien qui jugerait les sorcières du XVIe siècle à travers le discours des juges et des théologiens ne serait plus pris au sérieux, mais on a longtemps continué de juger les magnétiseurs à travers le discours des vainqueurs. Je vais donc m’efforcer dans cet article de présenter à grands traits, en elles-mêmes et pour elles-mêmes, les thérapies magnétiques sans chausser les lunettes des psys contemporains.

 

 

Du magnétisme animal au somnambulisme artificiel

Tout part de Franz Mesmer, un thaumaturge et médecin viennois venu s’installer à Paris vers 1775 pour y promouvoir une nouvelle médecine holistique qu’il appelle le « magnétisme animal ». Par cette expression, F. Mesmer désigne d’abord une théorie sur l’intrication de l’homme et de l’univers qu’il a sans doute tirée des cosmologies de la Renaissance. Selon lui, tous les êtres vivants baignent dans une sorte de fluide vital, impalpable mais néanmoins matériel, qui assure leur maintien en vie et en santé. La maladie se ramène à ses yeux à une cause unique : la mauvaise circulation du fluide vital. F. Mesmer soutient d’autre part, en prenant appui sur sa pratique, que certains êtres humains possèdent le pouvoir de mobiliser ce fluide et de le projeter par leur volonté sur les malades en imposant les mains, ou par diverses passes, produisant chez eux un choc bénéfique. « Magnétisés » par F. Mesmer, ces malades sont saisis de violentes convulsions, qui sont censées déboucher leurs « obstructions » et les conduire vers la guérison. De fait, F. Mesmer produit des guérisons spectaculaires dans la haute aristocratie, à commencer par le médecin du roi, et déclenche un véritable scandale. La commission de l’Académie de médecine nommée par Louis XVI affirmera n’avoir pu objectiver le fluide vital, mais elle reconnaîtra néanmoins en 1784 la réalité de certaines guérisons, qu’elle attribuera aux pouvoirs de l’imagination.