Le sauvage et son double

Le Sauvage et 
son double. Salvatore d’Onofrio, Belles Lettres, 2011, 
368 p., 27 €

Nombreux sont les mythes qui mettent en scène deux héros à la fois semblables et opposés (jumeaux, frères ou amis très proches), que l’on peut qualifier de doubles. Ces personnages sont généralement des médiateurs avec le monde surnaturel, et renvoient à un désir universel de conjurer la mort en imaginant le redoublement de l’identité.

L’ouvrage érudit de Salvatore d’Onofrio dépasse cependant ces généralités en proposant une réflexion inédite reposant sur l’étude de grands textes mythiques de l’aire méditerranéenne : l’épopée de Gilgamesh, l’Odyssée, la Bible, le Roman de Renart et la Chanson de Roland. Il montre que, parmi les doubles étudiés, l’un est sauvage alors que l’autre fonde la civilisation : on retrouve là l’opposition fondamentale, qui hante la culture occidentale, entre nature et culture. Ainsi Gilgamesh renaît et devient le roi du pays des morts après le décès de son jumeau Enkidu, un sauvage poilu. Ainsi Ulysse est vainqueur du cyclope Polyphème, qui vit en hors-la-loi dans une grotte, en le saoulant avec du vin, ce condensé de civilisation. Ainsi Jésus-Christ, qui accomplit sa résurrection et sauve le monde après la mort violente de Jean-Baptiste, victime sacrificielle nécessaire venue du désert.