Les guerres modernes au défi de l'éthique Entretien avec Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

Drones, « robots tueurs », pirates informatiques, sociétés militaires privées… Serions-nous entrés dans une « ère Terminator » ? Une vision à nuancer dans un contexte où les attentes éthiques sont de plus en plus fortes.

Après le discrédit qui a touché les deux guerres du Golfe notamment, la notion de « guerre juste » a-t-elle toujours un sens ?

L’idée n’a jamais cessé d’être utilisée, même si elle n’est pas toujours assumée ou explicitée. Les discours politiques n’invoquent pas « la guerre juste » mais ils présument bien que certaines guerres sont plus justifiées que d’autres, dans la décision d’entrer en guerre (jus ad bellum), la conduite de la guerre (jus in bello), ou l’après-guerre (jus post bellum). Et ce sont toujours les mêmes critères qui sont utilisés : autorité légitime, cause juste, bonne intention, dernier recours, proportionnalité, effet positif (ou chances raisonnables de succès).

Par exemple, lorsque l’on se demande début septembre 2013 s’il faut intervenir en Syrie sans autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies, donc sur le fondement d’une « légitimité » distincte de la légalité ; ou lorsque l’on doit déterminer quand un civil peut être pris pour cible parce qu’il « participe directement aux hostilités », une notion qui suscite des interprétations variées ; ou encore lorsqu’à la fin d’un conflit armé le dilemme se présente de devoir ou négocier avec des criminels de guerre ou les poursuivre devant la justice internationale, dans toutes ces situations concrètes, c’est la théorie de la guerre juste qui est en jeu, avec sa tripartition et ses critères. Elle est simplement le nom classique de l’éthique de la guerre, qui est un domaine de recherche en pleine effervescence.