Les intellectuels juifs en exil

1933 : Hitler prend le pouvoir en Allemagne. Une vaste opération de purge est aussitôt engagée à l'Université contre les juifs. Menaces, brimades, destitutions. A Berlin, en mai 1933, les nazis font un autodafé des livres du « juif Freud ». Débute alors un vaste mouvement de fuite des cerveaux, qui va priver l'Allemagne, puis l'Autriche après 1938, de son élite intellectuelle.

Tous les domaines de la vie intellectuelle sont concernés. Physiciens (Albert Einstein, Max Born, Wolfgang Pauli...), mathématiciens (Johannes von Neumann, ...), écrivains (Thomas Mann,  Bertolt Brecht, Stefan Zweig...), artistes (Arnold Schönberg...), tous s'embarquent outre-Atlantique. C'est le cas aussi des philosophes, psychanalystes, sociologues, économistes, historiens, etc.

Du seul point de vue de l'histoire des idées, l'impact de cet exil sera énorme : Vienne et Berlin perdent définitivement leur statut de capitales intellectuelles. Inversement, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne vont bénéficier de l'apport de cette élite de nouveaux arrivants. Cette vague d'immigration ne se résume pas à une simple délocalisation des idées : l'exil va affecter le cours des pensées. La greffe va conduire à des transformations, à des renaissances et parfois au dépérissement complet de certains courants de pensée.

Psychologie/psychanalyse : destins croisés

Les trois fondateurs de la psychologie de la forme (Gestalt), Kurt Koffka, Max Wertheimer et Wolfgang Köhler, émigrent aux Etats-Unis mais sont dispersés et ne retrouvent pas de postes importants à l'Université. A cette époque, la psychologie américaine est dominée par le béhaviorisme, dont l'approche est en tout point opposée à la vision globaliste et mentaliste de la psychologie allemande. La psychologie de la forme va quasiment disparaître de la psychologie, n'ayant plus qu'une influence limitée dans l'étude de la perception.