Dans certains pays d’Afrique et d’Asie, les statistiques font apparaître un pourcentage de population qualifié d’animiste. Cela veut-il dire que l’animisme est une religion ?
Non, cela désigne les gens qui par leurs pratiques n’appartiennent à aucune des « grandes religions » du livre : chrétiens, musulmans, bouddhistes, hindouistes, confucianistes. Les autres sont dits « animistes », parce qu’ils pratiquent des traditions transmises oralement. Défini comme cela, l’animisme n’est qu’un grand fourre-tout : on y met tout ce qui n’entre pas ailleurs. En réalité, cet animisme recouvre des pratiques très différentes, allant du vaudou africain au chamanisme en passant par divers cultes totémiques ou ancestraux. Le fait que ces cultes subsistent et conservent une certaine autonomie n’en fait pas des religions au sens propre du terme. Les religions, à mes yeux, se caractérisent par une forme de croyance et de transcendance que l’on ne trouve pas dans l’animisme.
Pourtant l’animisme a été défini, à la fin du 19e siècle, essentiellement comme une croyance « primitive » : la croyance que des entités naturelles et surnaturelles non humaines (animaux, plantes ou objets) possèdent une « âme » et des intentions semblables à celles de l’homme.
D’abord, je dirai que ce n’est pas une définition très éclairante. Le fait d’attribuer des qualités humaines à des êtres non humains est un trait commun à toutes les religions, qu’elles soient ou non animistes. Ensuite, il faut savoir ce que l’on entend par croyance. Le mot « croire » a au moins deux significations : croire en la vérité de quelque chose, ou adopter une attitude d’acceptation face à un fait ou une idée. Cette attitude ouverte peut être la simple conséquence de la socialisation, résulter d’un bain culturel. Cela n’implique pas que l’on se pose la question de la croyance dans l’existence de tel ou tel esprit, de tel ou tel dieu. Les religions du livre ont développé une réflexivité qui fait qu’il existe des « articles de foi ». Elles exigent une adhésion positive et instaurent une différence entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Dans la religion catholique, et peut-être dans toutes les Églises chrétiennes, c’est le clergé qui induit cette réflexivité en demandant aux fidèles de réaffirmer constamment leur foi.