D’abord un constat. Si l’on prend une photographie du travail aujourd’hui, le salariat résiste bien et plus que bien : d’après l’Insee, en 2019, 87,9 % des personnes en activité sont salariées. Et parmi ces salariés, la norme dominante reste le CDI : 74,6 % des personnes qui travaillent sont en emploi salarié à durée indéterminée (CDI ou fonctionnaire) 1. Le gros du bataillon de la main-d’œuvre salariée se retrouve surtout dans le secteur tertiaire marchand (48 % de l’emploi salarié) et non marchand, c’est-à-dire l’administration publique, l’enseignement, la santé humaine, l’action sociale (32 %) 2. Ce mouvement s’accompagne aussi d’une montée en qualification de la population active : entre 2009 et 2019, la part des cadres parmi les personnes en emploi a augmenté de 3,1 points, pour atteindre 19,3 % (alors que la part des ouvriers et des employés a baissé, pour s’établir à 46,5 %).
Mais derrière la stabilité du CDI se cachent des disparités en fonction des âges de la vie. Ainsi, seuls 44,6 % des 15-24 ans sont en CDI, contre 77,9 % des 25-49 ans 3. D’une manière générale, au sein des flux d’embauches, la part des CDD a nettement progressé en vingt-cinq ans, notamment à partir des années 2000, passant de 76 % en 1993 à 87 % en 2017 4. Cette évolution structurelle s’accompagne d’une forte hausse des contrats de très courte durée : en 2017, 30 % des CDD ne durent qu’une seule journée. Ce qui se traduit dans certains secteurs par des formes de « sous-emplois » et d’« emplois éclatés » : succession ou cumul de contrats courts, contrats avec des volumes horaires réduits, comme c’est le cas dans les métiers du nettoyage, de la restauration ou du service à la personne. Plutôt qu’une destruction du modèle salarial, on voit donc plutôt apparaître un phénomène de dualisation du marché de l’emploi, avec un noyau d’« insiders » stables et des « outsiders » qui gravitent autour des organisations de travail. Avec un taux de chômage qui s’élève à 8,4 % de la population active, c’est notre modèle de protection sociale basé sur le plein emploi et les carrières continues qui est fragilisé.