Les mystères de l'esprit

Qu’est-ce que l’esprit ? Se résume-t-il à l’activité de notre cerveau ? Aujourd’hui la neurobiologie tente, avec un succès modeste, de dissiper le mystère.

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L’esprit est avant tout un objet de fascination, qui transcende les époques et les disciplines, et dont les représentations évoluent et se transforment au fil du temps. Aujourd’hui, on le voit comme un phénomène psychologique, parfois psychiatrique, souvent synonyme d’une forme de conscience. Dans la vision cartésienne, il renvoyait uniquement aux fonctions « supérieures », contrôlées par la raison – les émotions étant reléguées au rang de processus primaires. Puis, avec les avancées de la psychologie cognitive et des neurosciences, on a compris que ces deux niveaux étaient interdépendants et que la raison ne pouvait fonctionner sans les émotions. Au final, l’esprit désigne aujourd’hui les productions cérébrales au sens large. On retrouve cette idée dans le langage courant qui voit la pensée comme une forme de conversation privée et continue avec soi-même, mêlant des contenus très rationnels et des éléments purement affectifs et intuitifs. Quelque chose de très intime, auquel nous n’avons pas pleinement accès.

L’esprit en neurosciences

Depuis les philosophes matérialistes des Lumières, l’idée circule que l’esprit n’est pas un phénomène immatériel, voire surnaturel, mais relève bel et bien du corps. Plus particulièrement, pour les neurosciences contemporaines, il relève de fonctions liées aux opérations du système nerveux central – autrement dit au cerveau et aux neurones. En neurosciences, on parlera alors rarement d’esprit, mais plutôt de conscience. La conscience est considérée comme une fonction biologique dont le but final est la régulation du comportement. L’utilisation du terme conscience est pourtant délicate à bien des égards, car si dans ses productions, « l’esprit est conscient », toute son activité n’est pas volontaire, ou contrôlée. Beaucoup d’expériences de la conscience sont gérées de façon tout à fait automatique – par exemple le sens que nous donnons à une image ou une odeur, ou les prises de décisions rapides et intuitives.

C’est sans doute en partie en raison de cette ambiguïté étymologique que, longtemps, les scientifiques furent réticents à s’intéresser à la conscience. Au 20e siècle, la psychologie fut en effet tour à tour dominée par la psychanalyse, valorisant l’inconscient, faisant de la conscience un objet mal défini, voire mystique ; puis par le comportementalisme (behaviorisme), qui rejetait vigoureusement l’étude de l’inobservable, dont les états mentaux.

Un peu plus tard, la psychologie cognitive proposa de réhabiliter l’étude empirique des processus mentaux. Dans le champ de la philosophie analytique, les philosophes de l’esprit vinrent alors à la fois s’inspirer de cette discipline émergente, mais aussi l’alimenter de leur vision de la conscience comme phénomène subjectif (que certains ont toutefois voulu dissocier de tout support matériel).

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Les scientifiques avancèrent donc d’abord sur le sujet de la conscience à tâtons ; aussi curieux que méfiants à l’égard de cette entreprise. Or, comme le rappelle Michel Jouvet dans son ouvrage Le Sommeil, la Conscience et l’Éveil (Odile Jacob, 2016), « ce n’est pas parce que la conscience est inobservable par essence qu’elle n’est pas propice à l’étude scientifique. »