Les sources du moi. Charles Taylor, 1989

La Source du moi. La formation de l’identité moderne. 1989, trad. fr. Seuil, 1998.
Le « moi » a une histoire. En la retraçant, le philosophe canadien Charles Taylor montre que l’individualisme contemporain n’est pas un égoïsme mais possède une véritable force morale.

D’où vient le sentiment que nous éprouvons ordinairement d’être « soi », d’être doté d’une consistance, d’une profondeur intérieures ? L’enquête du philosophe canadien Charles Taylor montre que cette « identité moderne » a une histoire, dont il met en évidence les linéaments. Il y a tout d’abord une histoire de la pensée qui légitime peu à peu le recours à l’introspection. Dans ses Confessions, Saint-Augustin donne ainsi cette consigne : « Au lieu d’aller dehors, rentre en toi-même ; c’est au cœur de l’homme qu’habite la vérité. » C. Taylor fait d’ailleurs du philosophe chrétien l’inventeur de la « réflexivité radicale », qui consiste à prendre sa propre subjectivité pour objet, à « devenir conscient de notre conscience, faire l’expérience de notre expérience ». Puis Montaigne écrira dans ses Essais : « Chacun regarde devant soi ; moi, je regarde dedans moi ; je n’ai affaire qu’à moi. » Mais C. Taylor évoque également le fameux « je pense donc je suis » de René Descartes… Le protestantisme apportera ensuite la « valorisation de la vie ordinaire », c’est-à-dire la valorisation de la vie matérielle : le travail, la production de biens, la famille… Enfin, le processus de sécularisation des sociétés achève de débarrasser l’homme de toute transcendance pour mieux trouver en lui-même la vérité de ses actes. C. Taylor reprend à son compte la phrase de l’écrivain Johann Herder (1744-1803) : « Chaque être a sa propre mesure. »