Quels savoirs, quelles compétences transmettre dans le cadre de formations à vocation professionnelle ? Qu'est-ce que le travail de formation pour celui qui intervient dans un univers proche des entreprises, de leurs besoins et de leurs exigences ? Pour comprendre les défis auxquels sont confrontés les formateurs dans une société comme la nôtre, il convient tout d'abord de garder à l'esprit les spécificités qu'elle partage avec toutes les sociétés que par commodité nous nommerons les sociétés de l'information et de la communication. Dans leurs idéologies - leurs mystiques ? -, les sociétés de l'information et de la communication ont pour caractéristique commune d'accorder la plus grande importance au principe de transparence. Elles affirment qu'aucune information ne doit être dissimulée au regard des citoyens, qui ont un droit à l'information. Les sociétés de l'information, sociétés de la transparence, devraient donc être des sociétés de vérité, la vérité devant être divulguée et connue de tous. Elles devraient être également des sociétés de la connaissance car une information- n'a pas réellement de valeur en elle-même. Elle n'a de valeur que s'il existe suffisamment de connaissances pour l'interpréter - lui donner du sens, voire la critiquer - et surtout pour l'utiliser à bon escient : tout voir, tout savoir, tout connaître. L'exigence de transparence tend à faire de la connaissance- une valeur presque sacrée.
On peut dresser le constat que les entreprises affichent ces mêmes exigences de transparence et de connaissance, du moins à leur profit. La connaissance est conçue comme la principale ressource productive des ces sociétés. Pour cette raison, la formation tout au long de la vie, le savoir et la culture y revêtent une importance considérable. En effet, face à des demandes sans cesse renouvelées de connaissance, ces différents attributs, à défaut de garantir des réussites sociales, permettent de limiter les risques d'exclusion. Les formateurs ont donc un rôle social particulièrement lourd à assumer, et ce d'autant plus qu'ils évoluent en contact avec les besoins des entreprises.
Dans les sociétés de l'information et de la communication qui se veulent structurellement innovantes, les savoirs existants issus aussi bien de longues pratiques professionnelles et sociales que des connaissances scientifiques et techniques sont considérés par les employeurs comme susceptibles de devenir rapidement obsolètes. Ils sont, pour eux, figés dans des modèles ou des pratiques anciens. De plus, les entrepreneurs estiment souvent que les savoirs - les savoirs académiques aussi bien que les savoir-faire ou que les « savoir-être » - ne donnent pas automatiquement accès à la compétence-, c'est-à-dire une capacité de faire un travail donné dans une organisation donnée, avec des techniques données et ce, conformément aux résultats espérés. Les organisations productives modernes ne seraient donc intéressées que par des savoirs utiles et efficaces, c'est-à-dire collectivement mobilisables.
L'un des défis de la formation, aujourd'hui, est non seulement de « fabriquer » des individus dotés de compétences, mais encore de faire en sorte que ces compétences acquises individuellement puissent être facilement exploitées et converties en compétences collectives, c'est-à-dire en compétences communes aux membres d'un même groupe. Or, ces compétences collectives, comme par exemple la capacité à formuler un diagnostic ou à résoudre un problème, sont des sources d'efficacité d'autant plus élevées que le contenu du problème est faiblement codifié et continuellement remis en cause par les organisations productives en mouvement. Cela est vrai, par exemple, pour des équipes projets de prestation de service - applications informatiques, publicité - qui réunissent souvent plusieurs métiers et qui travaillent non moins souvent de manière informelle. Elles sont en effet susceptibles de fortement réduire les coûts de coordination et de coopération au sein de collectifs de travail plus ou moins étendus. Il en résulte que les individus, dans les sociétés de l'information et de la communication, se verraient en quelque sorte sommés d'être dotés à la fois de la volonté et de la capacité à « faire ensemble ».