Les supporters, de la passion à la haine

On ne devient pas un supporter violent par hasard. Comment l’éviter ? Les mesures adoptées ne sont pas toujours les plus efficaces…

à un an de l’Euro 2016, les actes de violence à l’occasion des compétitions sportives semblent se multiplier. En février 2015, on note des incidents racistes en parallèle de la rencontre opposant le PSG à Chelsea, des affrontements entre policiers et supporters de Feyenoord à Rome, la suspension du championnat grec en raison des violences, les bagarres dans les tribunes à l’occasion de la rencontre Kiev-Guingamp… Cela s’ajoute à la mort d’un supporter de l’Atletico de Madrid en novembre 2014, aux violences provoquant l’arrêt du match Arsenal Sarandi contre Aldovisi en Argentine en mars dernier, les agressions de joueurs en Turquie, le match Monténégro-Russie interrompu le 27 mars dernier, sans compter les nombreuses violences entre spectateurs dans le football amateur français. Si ces exemples ne sont pas tous du hooliganisme, ils témoignent de la manière dont la passion peut se transformer en provocations, en affrontements et en haine.

Identités individuelles et collectives

Trop souvent, le hooliganisme est caractérisé par son expression finale : la violence ou les destructions de biens et matériels. L’utilisation d’une définition aussi restrictive interdit d’examiner la dynamique d’apparition des violences ; élude les mobiles individuels ou collectifs et la construction des « carrières » hooligans ; empêche d’observer les stratégies d’adaptation au contrôle social. Le hooliganisme est d’abord la dérive extrême du supportérisme passionnel 1. Dans chacun des groupes, le soutien inconditionnel à l’équipe se double d’une volonté de se comparer et classer : sportivement, en fonction de l’histoire de l’équipe qu’ils soutiennent, à travers la qualité du soutien ou, encore, leur nombre d’adhérents. Tout est prétexte à différenciation et dévalorisation des autres 2. Devenir supporter correspond souvent à la sortie de l’adolescence. En intégrant le groupe, les jeunes se trouvent confrontés tout à la fois à sa culture, à la défense de son identité, à son organisation et à leur propre construction identitaire. Le hooliganisme s’inscrit dans un processus d’acculturation 3. La violence est un élément intégrateur au groupe qui permet de passer du rang d’anonyme à celui de membre reconnu et participe à construire l’identité collective (être nombreux, forts, ne reculant jamais, voire invaincus) tout autant qu’elle permet à ces jeunes de construire une identité individuelle valorisante (je suis capable de) et valorisée aux yeux des autres 4. Les comportements hooligans peuvent être assimilés aux « carrières » déviantes et délinquantes : adhésion à un groupe, première expérience de la violence, nécessité de faire ses preuves, trouver du plaisir dans la violence, renouveler l’expérience…, en faire une carrière à long terme 5.