Après la disparition récente de Claude Lévi-Strauss, l’anthropologie structurale doit-elle être enterrée avec son fondateur ? La réponse d’Olivier Dekens est plutôt négative. Pour l’auteur de cet essai érudit, les théories structuralistes continuent d’irriguer l’ensemble des sciences humaines, même si le terme de « structure » a disparu du vocabulaire.
O. Dekens réussit à montrer l’originalité de la pensée de Lévi-Strauss, sur le plan notamment d’une philosophie de la connaissance fondée sur une série de ruptures. En effet, Lévi-Strauss a construit son concept de structure en opposition avec de « nombreuses et mauvaises habitudes philosophiques ». Opposition avec la philosophie d’Hegel tout d’abord, pour qui la subjectivité rationnelle permet de définir le réel. Pour Lévi-Strauss au contraire, les structures d’une société existent avant l’homme, elles viennent inconsciemment structurer son esprit, mais ne lui donnent pas accès directement à la réalité. Opposition à Rousseau également, promoteur d’une pureté originelle de l’homme à l’état de nature à laquelle l’anthropologue ne souscrit pas. Enfin, opposition à la phénoménologie en général et à l’existentialisme en particulier (qu’il qualifie de « métaphysique pour midinette ») : en lieu et place d’un ego tout-puissant et libre selon Jean-Paul Sartre, Lévi-Strauss voit un sujet modeste, pris dans une structure qui le dépasse et avec laquelle il doit composer.