1967, Golden Gate Park, San Francisco : quelque 40 000 hippies couvrent de fleurs les policiers qui venaient contenir la manifestation. « Peace and love », sexe, drogue et rock’n’roll…, tels sont les attributs de la beat generation et de la contre-culture qui s’incarne dans les communautés californiennes (1), enclave hautement marginale dans l’Amérique puritaine de l’époque.
On le voit, on le sait, dire que la révolution sexuelle et la libération des mœurs datent de Mai 68 en France serait exagéré. Comme l’explique Patrick Rotman, pour comprendre Mai 68, il faut marier trois perspectives : la première délimite les huit semaines d’événements spectaculaires (mai et juin 1968) ; la deuxième, plus sociologique, couvre une douzaine d’années « et replace Mai 68 dans le continuum des années soixante (…) comme l’épicentre d’une grande mutation culturelle et sociale » ; la troisième enfin met l’accent sur le contexte international politique et culturel très particulier des sixties, où Le fond de l’air est rouge, selon le titre d’un film (1977) du cinéaste soixante-huitard Chris Marker. En cette fin des années 1960 pourtant, la France gaulliste semble ronronner. La fin de la guerre d’Algérie (1962) a ouvert une période de paix et de stabilité et les trente glorieuses battent leur plein, marquant une ère d’expansion économique et sociale sans précédent qui sonne le glas d’une France restée longtemps petite-bourgeoise et boutiquière. Avec la hausse du niveau de vie, la société de consommation s’installe, devenant d’ailleurs immédiatement la cible privilégiée de la pensée soixante-huitarde (3). C’est aussi le moment où les premières générations du baby-boom ont vingt ans et accèdent de plus en plus nombreuses à l’université (150 000 étudiants en 1958, 500 000 en 1968). Les prémices du mouvement de mai vont d’ailleurs naître dans la toute jeune université de Nanterre, à peine sortie des gravats de sa construction. L’histoire est célèbre : lorsque les garçons réclament de pouvoir se rendre dans les dortoirs des filles, ils sont évacués par la police. L’un de leurs représentants, Daniel Cohn-Bendit, se verra conseillé d’aller piquer un plongeon dans la piscine, lorsqu’il interpelle le ministre François Missoffe sur le désir des jeunes de vivre leur sexualité.
Mai 1968 et la libération des moeurs
Libération de la parole, des corps, émancipation des femmes… Les événements de 68 et la décennie qui a suivi ont été porteurs d’une véritable révolution des mœurs toujours à l’œuvre aujourd’hui.