Maria Montessori (1870-1952) « Apprends-moi à faire seul »

Médecin, philosophe, psychologue, Maria Montessori fut aussi une grande pédagogue très en avance sur son temps. Le succès actuel de ses écoles atteste de la longévité de ses idées.

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Sergueï Brin et Larry Page, fondateurs de Google, Jeff Bezos, PDG d’Amazon, Jimmy Wales, créateur de Wikipédia… Ces milliardaires du Web ont tous fréquenté des écoles Montessori. Dans la Silicon Valley, il est fréquent de scolariser ses enfants dans de tels établissements. En 2011, dans un article du Wall Street Journal – intitulé « The Montessori Mafia » –, Will Wright, auteur célèbre de jeux vidéo, déclarait qu’il y avait appris la joie de la découverte et que ses jeux vidéo « sortaient tout droit de Montessori ». L. Page de son côté, attribue une partie de sa réussite à un enseignement qui consiste « à prendre soi-même des initiatives, à s’interroger sur ce qu’il se passe dans le monde, et à faire les choses un peu différemment ».

Depuis quelques années, en Europe, sur tout le continent américain, en Asie, les écoles Montessori ont le vent en poupe ! Il en existe 22 000 de par le monde (essentiellement maternelles et élémentaires). En France, l’antenne de l’AMI (Association Montessori internationale) peine à répondre aux demandes de formations toujours plus nombreuses. « Apprendre à faire seul » était l’un des préceptes de Maria Montessori. Mais qui était Montessori ? Quelles furent les intuitions qui, au début du 20e siècle, l’amenèrent à élaborer une pédagogie qui semble garder aujourd’hui toute sa pertinence ?

La casa dei bambini

Cette Italienne est l’une des grandes figures du courant de l’éducation nouvelle (encadré ci-dessous). C’est à partir d’expériences de terrain qu’elle élabore sa théorie du développement de l’enfant. Première femme diplômée de médecine dans son pays, assistante dans une clinique psychiatrique de Rome, elle s’occupe d’enfants appelés alors « arriérés », ou « idiots ». Constatant que ces enfants peuvent progresser dans un environnement plus favorable, elle commence à développer tout un matériel pour les aider à lire et écrire. Puis, elle dirige pendant quelque temps l’école orthophrénique en charge d’adolescents déficients. Tout en continuant ses recherches, elle complète sa formation de médecin par des études de philosophie et de psychologie. En 1904, une chaire d’anthropologie lui est confiée à l’université de Rome. Montessori se veut la continuatrice des travaux du docteur Jean Itard qui, au 19e siècle, avait tenté d’éduquer l’enfant sauvage de l’Aveyron et de son élève Édouard Séguin qui avait développé un matériel sensoriel pour les enfants sourds.

C’est en 1907, alors âgée de 37 ans, que Montessori a l’occasion de mettre au point sa méthode pédagogique qui, dès le début du 20e siècle, va lui valoir une reconnaissance internationale. Cette fois, le ministre lui demande de prendre en charge les enfants défavorisés du quartier de San Lorenzo, un quartier ghetto de Rome, peuplé d’immigrants de l’Italie du Sud pour la plupart illettrés, où les enfants de 3 à 6 ans sont livrés à eux-mêmes. « De pauvres enfants abandonnées qui ont grandi sans aucune stimulation de l’esprit, abattus, négligés », dira-t-elle. Dans l’unique pièce qui lui est octroyée, elle crée alors sa première casa dei bambini (maison des enfants). Elle fait construire des tables et des chaises adaptées à leur taille (grande innovation pour l’époque, qui inspirera les équipements des écoles maternelles) et crée un matériel pédagogique tactile et sensoriel, le matériel Montessori.

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En l’espace de deux ans, c’est un véritable petit miracle qui s’accomplit sous les yeux de ses contemporains dont beaucoup sont pourtant hostiles ou pour le moins dubitatifs ! Les enfants désordonnés et irrespectueux sont devenus « polis et calmes ». Mais il y a plus : ils ont appris à écrire et à lire. De nouvelles maisons des enfants et des écoles voient le jour dans Rome. Des observateurs arrivent de partout. Montessori organisera des stages à Londres, Nice, Berlin, Amsterdam, Barcelone, San Francisco, Madras et Karachi, formant ainsi 4 000 à 5 000 étudiants. Elle obtient la reconnaissance admirative de Sigmund Freud, Bertrand Russell, Mohandas Gandhi, Graham Bell dont l’épouse devient présidente d’une association Montessori. En 1909, elle publie Pédagogie scientifique qui la fera connaître dans le monde entier et fonde l’AMI en 1929 ; le psychologue Jean Piaget en présidera l’antenne suisse jusqu’à sa mort en 1980.

L’esprit absorbant de l’enfant

L’un des grands combats précurseurs de Montessori aura été d’apporter une attention spécifique à l’enfant. « Depuis l’Antiquité, explique-t-elle, les forces intérieures de l’enfant n’ont jamais été prises en compte, ni dans leur aspect intellectuel, ni dans leur aspect moral (…). Assis sur de lourds bancs de bois, menacé de punitions, il apprend sous la contrainte, au prix de la santé de son faible corps et du développement de sa personnalité. (…) Si l’on veut que l’humanité progresse, ajoute-elle, l’enfant devra être mieux connu, respecté et aidé  1. »