Masculin - féminin : le genre explique-t-il tout ?

Nos identités sexuelles sont-elles entièrement le produit de la culture ? Des philosophes aux neurobiologistes, le débat ne cesse de rebondir mais reste toujours aussi vif.

Les débats vont bon train autour des études de genre. Dans ce domaine, il faut pourtant avancer avec circonspection tant le politiquement correct a envahi les discussions, au sein de la philosophie, des sciences sociales ou même des neurosciences.

Haro sur la queer theory

Depuis quelques années, les gender studies, largement diffusées en France, affirment que la différence des sexes est entièrement un fait de culture et non de nature. La figure de proue en est Judith Butler qui, dans Gender Trouble (1990) a poussé au plus loin la pensée de la déconstruction des sexes avec sa queer theory. Cette philosophe s’appuie sur le pouvoir des mots (la performativité) pour penser la société comme une institution productrice de normes imposées, en particulier de genre et de sexualité. Or, en déconstruisant ce modèle, pour elle trop rattaché à une vision biologique binaire (masculin-féminin) et qui promeut la « domination hétérosexuelle », J. Butler s’en prend aux courants féministes qui tentent de penser l’identité féminine.

Chacune à leur manière, la philosophe française Sylviane Agacinski et l’essayiste franco-canadienne Nancy Huston, toutes deux déjà connues pour leurs prises de position féministes, réagissent vigoureusement contre les excès de la théorie du genre, qu’il ne fait pourtant pas bon mettre en doute au sein des sciences sociales.

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Dans son dernier essai, S. Agacinski se livre à une déconstruction en règle de la queer theory. Est-ce à dire que cette émule du philosophe Jacques Derrida réfute le poids de la construction sociale dans les différences entre hommes et femmes ? C’est en fait tout le contraire. S. Agacinski s’attache, depuis le début de son œuvre, à réfléchir sur la hiérarchie des sexes et l’androcentrisme masculin, dont elle traque les racines dans la culture grecque et judéo-chrétienne. Pour elle, il faut penser le statut des femmes en prenant en compte à la fois la dualité des sexes et la hiérarchie des genres. C’est précisément ce que le « culturalisme radical » de J. Butler interdit alors que pour S. Agacinski, « la différence des sexes n’est pas soluble dans l’histoire ». La maternité notamment est – encore – l’apanage des femmes et il n’est pas sûr qu’elles récusent cette spécificité vue par beaucoup comme un principe de plaisir. Et si, pour cette philosophe, la prostitution et la procréation pour autrui sont encore des manifestations d’un asservissement, elle ne nie pas que le modèle dominant hétérosexuel doive être dépassé. Mais, pour elle, le sexe biologique reste un marqueur d’identité.