Depuis quatre siècles, le nom de Ninon de Lenclos (1616-1705) ne parvient pas à tomber dans l’oubli. Pourtant, cette fille-mère (on dit aujourd’hui « mère célibataire »), aux multiples liaisons (on lui prêta jusqu’à 5 000 amants…) n’a jamais été la compagne d’un roi, comme Mme de Montespan, la Pompadour ou la du Barry… Elle aurait pu traverser son siècle et disparaître à jamais. Ninon doit sa survie littéraire, voire médiatique et cinématographique, à ses particularités.
Provinciale, fille d’un gentilhomme tourangeau, issue de la région de Loches, elle a un père libertin qui affiche ses liaisons adultérines avant de se transformer en assassin plus qu’en duelliste. Restée seule avec une mère souffreteuse et malade, sans bien puisque ceux des duellistes sont saisis par le roi (alors Louis XIII), celle-ci – prétendue bigote – oriente sa fille vers « la galanterie ».
Épicurienne, libre de mœurs et d’esprit
Une chance, son père, luthiste reconnu, a fait d’elle une vraie artiste. Excellente musicienne et luthiste à son tour, danseuse de salon et chanteuse de bonne compagnie, elle offre sa grâce et sa beauté aux premiers admirateurs de son corps lascif d’adolescente ensorceleuse. Richelieu – alors principal ministre – devenu évêque puis cardinal entretiennent alors une liaison avec Marion de l’Orme établie en son hôtel particulier de la rue Elzévir, dans le Marais. Ninon, sa cadette, vit juste en face. Instruite dans l’art d’aimer par Marion qui meurt bientôt d’un avortement raté, Ninon est présentée par elle à Richelieu. Il a plus de 50 ans. Elle, 14. Il se prend de passion pour le luth. Elle fut sa dernière maîtresse, nous dit Voltaire, et lui, son premier amant. Riche, vieux et puissant, il lui fait porter ses billets de rendez-vous par un jeune messager, neveu du père Joseph. Le jeune homme, devient l’amant de cœur.