«Nous devrons nécessairement limiter notre consommation.» Entretien avec Thierry Ripoll

Alors que la surconsommation épuise la planète, miser sur les bonnes volontés individuelles ne suffira pas, estime Thierry Ripoll. La solution devra être collective et politique.

Notre regard sur la consommation est-il en train d’évoluer ?

Nous vivons une révolution culturelle. À la rentrée de septembre, le président de la République française Emmanuel Macron a annoncé « la fin de l’abondance ». Il y a évidemment loin de la parole aux actes, mais ce type de discours aurait été considéré comme fou il y a encore une dizaine d’années.

Aujourd’hui, la nécessité de moins consommer – d’énergie, de ressources, de matières premières… – entre dans le discours politique orthodoxe. Ce n’est plus forcément une position perçue comme radicale, alors qu’elle induit un bouleversement majeur dans l’histoire de notre espèce.

Depuis qu’Homo sapiens est apparu, il y a environ 300 000 ans, rien ne l’incitait à restreindre sa consommation. Nous sommes la première génération d’humains à être confrontée aux limites de la planète et au problème de la surconsommation. Celui-ci est à la racine de la crise écologique. D’autres facteurs jouent certes un rôle, comme les dynamiques démographiques ou économiques. Mais la surconsommation a l’avantage d’être une cause dite « proximale » : le lien avec la détérioration de l’environnement est direct. Elle constitue ainsi le levier majeur pour nous permettre de lutter contre cette crise.

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Que se passera-t-il à l’horizon 2050 si rien ne change ?

Nous serions dans une situation extrêmement difficile. Autant le catastrophisme de certains « collapsologues » allant jusqu’à prédire la fin d’Homo sapiens me paraît excessif, autant il existe un consensus scientifique pour reconnaître que la trajectoire actuelle est intenable à moyen-long terme. Si nous continuons ainsi, le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité accentueront la diminution du nombre de zones exploitables et habitables à travers le monde. L’humanité sera de plus en plus confrontée à des pénuries et d’importantes populations chercheront à migrer vers les environnements les mieux préservés. Outre ces enjeux écologiques, les pays riches risquent d’aller au-devant de graves conflits sociaux. Si les gouvernements continuent de tolérer les excès de consommation des populations les plus aisées, notamment la consommation dite ostentatoire, tout en demandant aux classes moyennes et populaires de réduire leur niveau de vie, il en résultera des conflits sociaux violents. Vu le contexte politique, je crains que cela bénéficie à des mouvements violents ou écofascistes. N’oublions pas qu’un grand slogan du parti nazi était « le sang et le sol » (« Blut und Boden »), à l’origine utilisé pour promouvoir une réforme de la politique agricole : l’écologie est fréquemment dévoyée.