Beaucoup de patients viennent consulter afin d’être aidés. Ils voudraient mettre fin à ces comportements répétitifs qui s’imposent à eux et donc s’en délivrer. Ces comportements répétitifs se retrouvent chez l’alcoolique ou le fumeur, mais aussi chez l’obsessionnel-compulsif (qui ne peut s’empêcher de se laver et relaver les mains ou vérifier encore et encore que la porte est bien fermée). C’est le cas aussi de celui qui souffre de « trichotillomanie », le besoin irrépressible de s’arracher les cheveux de façon compulsive pour calmer ses angoisses.
Tous ces troubles sont différents mais présentent un trait commun : le sujet se sent dépossédé du contrôle de soi. Il est envahi par des idées obsédantes (fumer une cigarette, se servir un verre) ou des peurs (éviter de se salir les mains) qu’il ne peut dominer et qui le poussent toujours à passer à l’acte contre sa volonté.
Lorsqu’on analyse ensemble son comportement, le patient parle souvent d’automatismes, de routines. Il ne parvient pas à s’expliquer ses actes. Souvent, il insiste même sur le fait qu’il sait bien qu’il ne gagne rien – et a même beaucoup à perdre en agissant comme il fait – mais que rien n’y fait : il ne peut pas s’en empêcher (« je sais bien, je ne devrais pas, mais c’est plus fort que moi »).
En fait, ce n’est pas tout à fait vrai : à court terme, on retrouve souvent un avantage à continuer de fumer, de boire ou de s’arracher les cheveux : cela produit un plaisir immédiat ou soulage d’un mal-être. Même chez les personnes qui s’adonnent à des scarifications, la douleur physique permet de diminuer une souffrance morale.
En fait, le passage à l’acte n’est pas aussi automatique qu’on pourrait le croire : la personne qui souffre d’addiction sait bien avant de fumer ou boire qu’elle ne devrait pas. Son passage à l’acte est précédé d’une petite négociation intérieure entre les avantages et les inconvénients. La plupart du temps, chez les consommateurs excessifs, la balance penche du mauvais côté : à ce moment, les arguments qui autorisent le passage à l’acte sont plus forts que ceux qui l’inhibent.
Contrôle et non-contrôle
Dans la littérature scientifique, il y a eu longtemps un consensus sur le fait que les mécanismes des comportements addictifs sont automatiques et ont lieu en dehors de toute introspection individuelle (1). Par exemple, John A. Bargh soutient que la poursuite d’objectifs importants a lieu en dehors de la conscience et d’un contrôle (ou « guidance ») cognitif (2). La répétition d’un comportement addictif relèverait donc d’une intégration dans des schémas automatisés – ou « scripts » – déclenchés en certaines circonstances. C’est ce que nous faisons par exemple quand on fait toujours le même trajet en voiture : on peut alors conduire en pensant à autre chose. Ce comportement ne relève pas de gestes totalement mécaniques : il faut s’arrêter au feu, à un passage clouté pour laisser passer un piéton. Mais si survient sur le trajet une situation nouvelle – une déviation par exemple –, alors il faut reprendre le contrôle conscient pour emprunter un nouveau trajet (3).