Comment, avec l’explosion du télétravail, maintenir la cohésion des équipes ? Comment assurer l’adhésion aux orientations de l’entreprise ? En s’inspirant des sociétés de grands singes ou, plus précisément, des systèmes sociaux que nous partageons avec eux. Depuis leur dernier ancêtre commun en Afrique, il y a environ 6 millions d’années, les humains et les chimpanzés vivent dans des sociétés dites de fusion et de fission. Les individus se réunissent pour des activités à haute signification sociale (fusion) comme l’épouillage, essentiel à la constitution de liens sociaux au sein du groupe. Le reste du temps, au moment de chercher de la nourriture par exemple, ils se scindent en petites unités ou restent seuls (fission). C’est ce qui leur permet de maintenir une forte cohésion sociale – qui se traduit d’ailleurs par des différences culturelles d’une communauté de chimpanzés à l’autre – tout en assurant une exploitation efficace des ressources de leurs territoires.
Les humains vivent aussi dans des sociétés dites de fusion/fission, où vient s’ajouter une séparation entre les lieux associés au travail et à la vie privée. Le développement du travail à distance ou à domicile, depuis le début de la crise sanitaire, est venu bouleverser cette organisation. Alors que notre vie professionnelle relevait traditionnellement de la fusion, générant un sentiment de cohésion au sein des équipes de travail, elle bascule désormais du côté de la fission. Chacun s’active de son côté, au risque de voir toute culture commune se déliter. Les entreprises se retrouvent, de ce fait, obligées d’innover si elles souhaitent se maintenir en tant que structure collective, cultiver des valeurs communes ou un esprit d’équipe. L’irruption du télétravail met ainsi en jeu, plus fondamentalement, leur capacité d’adaptation à ce qui se profile comme une « (r)évolution anthropologique ».