Principia Moralia

Principia Moralia
. Michel Meyer, Fayard, 2013, 320 p., 22 €.

Dans Principia Moralia, Michel Meyer applique sa méthode problématologique au champ de la morale. Son but n’est pas celui, moralisateur, de nous dire ce que nous devons faire, mais celui, descriptif, de remonter jusqu’à la base de la morale (entendue à la fois comme attitude et jugement, voire théorie) et d’identifier le problème auquel celle-ci est censée répondre. Ce problème, M. Meyer le situe dans notre rapport à l’autre, qu’il s’agisse de l’autre comme individu ou encore de ce qu’il y a d’autre dans moi-même, dans mon corps. L’autre me pose toujours problème, et il me faut y répondre. Plus précisément, il me faudra y répondre en considérant une certaine distance qui me sépare d’autrui. C’est cette notion de distance qui joue le rôle principal dans l’explication de la morale : chaque attitude morale reflète une certaine distance vis-à-vis d’autrui, de telle sorte que les trois grands types de morales modernes expriment chacune une distance particulière entre le sujet et autrui. La morale du devoir (par exemple, le kantisme), centrée sur les devoirs du sujet, reflète une distance maximale, du point de vue de laquelle autrui n’est qu’une abstraction : l’idée de l’humanité. À l’inverse, la morale des droits (celle qui s’énonce dans la déclaration des droits de l’homme) exprime une distance minimale, où autrui apparaît comme un individu concret. Entre les deux, à mi-distance, se trouvent les morales du mérite (dont l’auteur trouve de façon surprenante un exemple paradigmatique dans l’utilitarisme). Pour M. Meyer, le concept de distance permet d’expliquer pourquoi toutes ces théories échouent à rendre compte de la morale : chacune d’entre elles n’est valable que contextuellement, pour une certaine distance, mais la distance varie selon les individus. Chacune a ainsi raison, mais seulement partiellement, et a finalement tort quand elle prétend à l’universalité.