L’avènement de la psychanalyse prend son sens dans un dépassement de l’hypnose à la fin du XIXe siècle, pratique passée de mode au début du siècle suivant mais qui conserve des adeptes et une forte empreinte dans l’imaginaire social. L’une des premières tâches des psychanalystes est donc de dissocier clairement leur pratique, inspirée des idées freudiennes, de méthodes héritées du temps glorieux de l’hypnose thérapeutique. Les années 1910-1920, qui représentent un moment important dans l’essor européen et américain de la psychanalyse, marquent aussi le développement de « nouvelles » méthodes d’autosuggestion qui posent question aux freudiens. Parmi ces dernières, l’exemple le plus parlant est celui de la méthode Coué. Il est difficile d’affirmer que cette méthode, lorsqu’elle apparaît sur le marché des thérapies au sortir de la Grande Guerre, est véritablement nouvelle. Elle s’inspire en fait des travaux de l’école de Nancy qui, très critique par rapport à ceux de Jean Martin Charcot, avait développé dans les années 1890 une forme de psychothérapie verbale fondée sur le concept d’autosuggestion et appuyée sur les apports théoriques d’Hyppolite Bernheim, que Sigmund Freud connaît par ailleurs très bien. Le pharmacien Émile Coué et ses disciples se présentent par la suite comme les tenants d’une « nouvelle école de Nancy ».
En quoi consistent ces pratiques d’autosuggestion qui, comme la méthode Coué, fleurissent en France et en Europe dans les années 1920 ? En fait, elles recyclent dans un langage mieux adapté aux aspirations individuelles du temps, et sous une forme inspirée par les manuels de développement personnel américains, les gestes du magnétisme et les conceptions de l’hypnose thérapeutique. Le tour de passe-passe de la « suggestion » à « l’autosuggestion » permet de donner des gages à une opinion méfiante envers les pratiques autoritaires ou moralisatrices qui avaient cours dans les décennies précédentes. Cependant, en redonnant une place centrale au sujet dans sa cure – c’est la valeur ajoutée de la méthode Coué, que l’on pratique quotidiennement chez soi –, et en présentant un inconscient tout-puissant susceptible de générer des guérisons psychiques, nerveuses et organiques, ces méthodes d’autosuggestion peuvent alors être confondues, par un public non spécialiste, avec certains des traits principaux de la psychanalyse à ses débuts. Ainsi, lors du voyage d’Émile Coué à Londres en 1921, le Daily Mail considère l’autosuggestion couéiste comme une « nouvelle forme de psychoanalyse ». Plusieurs praticiens tentent même une synthèse entre les deux méthodes, en Italie, en Grande-Bretagne, en Allemagne, et surtout dans les cliniques suisses. Il est intéressant de noter que la méthode Coué s’épanouit sur le même terreau culturel et spirituel que la psychanalyse : les deux pratiques sont reçues précocement en terre anglo-saxonne, travaillée par le courant de la mind cure et l’évangélisme protestant, ainsi que dans un espace germanique ouvert aux thérapies holistiques naturelles. Mais dans la France cartésienne et catholique des années 1920, point de salut pour ces deux pratiques de l’inconscient qui guérit !