Chaque année au Niger, à la fin de la saison des pluies, a lieu un célèbre concours de beauté. Chez les Woodabes, peuple nomade peul, la fête de la Geerewol dure six jours et six nuits. Dans chaque clan familial, les plus beaux jeunes hommes, fardés, parés de colliers, d’amulettes ou de lunettes de soleil ultramodernes, habillés de costumes chamarrés, dansent devant un jury de jeunes filles et de femmes mariées, elles aussi revêtues de leurs plus beaux atours…
Depuis la nuit des temps, la mythologie comme l’histoire des humains nous offre d’innombrables exemples de ces rituels édifiés en vue de la séduction amoureuse. Même les animaux s’y adonnent, avec force diversité et raffinements.
Séduire, du latin seducere, signifie conduire, amener l’autre à soi, et pour cela, la panoplie de stratégies semble sans limites. Pour s’approcher de la belle Leda, fille du roi de Sparte, Zeus s’était transformé en cygne, et s’était donné l’apparence d’un taureau blanc pour enlever la séduisante Europe… faisant montre d’un appétit amoureux non exempt de volonté de pouvoir et de domination de la part du roi de l’Olympe.
Dans l’Occident médiéval, « l’invention de l’amour courtois est l’un des plus beaux exemples de complication des codes de séduction humains (1) ». Pour séduire, on invente des prouesses de tous ordres, joutes verbales des troubadours et des trouvères, joutes armées lorsqu’il s’agit de chevaliers… Vainqueur d’un tournoi, le jeune chevalier jette son écharpe aux pieds de la belle dont il espère les grâces.
Au XVIIe siècle – où le processus de civilisation des mœurs, décrit par Norbert Elias, côtoie la montée de pratiques de plus en plus libertines –, les adeptes de l’amour courtois inventent une sorte de jeu de piste long et périlleux pour accéder aux faveurs de la belle. Dans les salons de madame de Scudéry, on se plaît à parcourir de la Carte du tendre, pays imaginaire fait d’étapes symboliques que doit traverser l’« honnête homme ». De « Tendre sur estime » à « Tendre sur passion », il faudra passer par les hameaux de la « Sincérité » ou de la « Générosité » en évitant le piège du « lac d’Indifférence » ou de la « mer de l’Oubli »… À chaque étape de l’itinéraire correspond une récompense de la Dame : anneau, baiser, nudité…
« La séduction est de l’ordre du rituel. Le sexe et le désir de l’ordre du naturel », a écrit le philosophe Jean Baudrillard, pour qui la séduction représentait « la maîtrise de l’ordre symbolique (2) ».
Artifices et stratégies
Un ordre symbolique qui a engendré toute une panoplie d’artifices… Dès le Paléolithique, les humains ont inventé nombre d’accessoires destinés à séduire. Parures, ornements de pierres décorées ou de coquillages, puis fibules, colliers et bracelets, boucles d’oreilles, peignes décorés, diadèmes, médaillons et ceintures… Plus tard, Cléopâtre n’aurait pas hésité à sacrifier une perle inestimable pour séduire le consul Marc Antoine. Les bijoux, les vêtements et toute sorte d’ornements ont fait la fortune des artisans, des couturiers, bijoutiers, parfumeurs et de ce qui est devenu l’industrie de la mode. Dans l’Europe galante des Temps modernes se multiplient les fards et les poudres, les robes aux décolletés profonds, les corsets pour les femmes. Pour les hommes, adeptes de pourpoints chamarrés et de culottes collantes, au XVIe siècle, c’est même la braguette qui est à l’honneur : prenant l’apparence d’un arc-boutant, on la charge d’ornements et de bijoux afin de mieux attirer le regard. Elle sert aussi de poche dans laquelle on y place des fruits pour les offrir tout chauds aux belles dames (3) !