Réfléchir à la belle vie, c’est se la compliquer… La définir tient déjà du casse-tête. Une belle vie va-t-elle de pair avec le plaisir ? Le bonheur ? L’absence de maux ? La sagesse ? Si j’ai tout pour être heureux selon un observateur extérieur mais que je ne le suis pas, ai-je une belle vie ? Et inversement, le sage qui parviendrait à garder un sourire sincère dans le dénuement grâce à la fidélité à ses valeurs, bénéficierait-il d’une belle vie ? Ajoutons à cela que dans toute la littérature scientifique anglophone, on ne parle pas de « belle », mais de « bonne » vie : a good life. Est-ce vraiment la même chose ?
La belle vie, malgré son fouillis conceptuel, constitue aujourd’hui un centre d’intérêt majeur de la psychologie positive. Née avec le 21e siècle, celle-ci recouvre tout un champ de recherches essayant d’établir, sur des bases scientifiques, ce qui contribue au bien-être ou à la résilience malgré les aléas du quotidien. Elle fut officiellement fondée par Martin Seligman, qui lui assura une ampleur immédiate lorsqu’il accéda à la présidence de l’American Psychological Association, au tournant du millénaire… distinction qui lui fut accordée après des décennies de recherches sur la dépression ! Cependant le premier à employer l’expression de « psychologie positive » avait été le psychologue Abraham Maslow, celui-là même qui, durant la Seconde Guerre mondiale, théorisa sa célèbre pyramide des besoins. Laquelle demeure une piste intéressante pour définir ce que pourrait être une belle vie, et qui trouve des échos dans la psychologie positive d’aujourd’hui.
La plus belle n’est pas la meilleure…
Selon A. Maslow, nos besoins les plus vitaux, les plus décisifs pour notre survie (alimentation, chaleur…), constituent la base de la pyramide. Ils sont incontournables : leur assouvissement seul permet le luxe d’envisager des aspirations liées à l’appartenance sociale ou à une bonne estime de soi. De la solidité de chaque étage dépend ainsi la réalisation de motivations plus personnelles. Au sommet de la pyramide trône le bonheur, accompagnant notre véritable accomplissement. La belle vie… Mais à mieux y regarder, il est même possible, tout en haut, d’échapper à la pyramide, d’en sortir, lorsqu’en règle générale on ne pense plus à ses besoins personnels mais à ceux d’autrui, ou à des valeurs qui nous dépassent. La crête de la pyramide établit un point de contact avec quelque chose de l’ordre du mystique, du divin. Évidemment, bien peu l’atteignent…