Santé : des progrès mais trop d'inégalités

En matière de santé, le pire n’est pas toujours certain. Malgré des inégalités, de nombreuses améliorations ont eu lieu au cours des trente dernières années.

Nous vivons plus longtemps

Commençons par nous réjouir : l’espérance de vie n’a cessé d’augmenter depuis soixante-dix ans. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’espérance de vie à la naissance 1 en 1950 était, tous pays confondus, d’environ 47 ans. En 2015, elle a atteint 71 ans. Cette progression a été constante, excepté durant les années 1990 (marquées par l’extension du sida et les bouleversements structuraux de l’ex-bloc de l’Est). Et elle a concerné pratiquement tous les pays. Bien sûr, ce constat ne signifie pas que tout est rose. Mais pour une fois, le verre semble plus plein que vide.

Dans les pays pauvres et émergents, l’allongement de l’espérance de vie dans les vingt-cinq dernières années s’explique notamment par l’amélioration de la vaccination, l’assainissement, un meilleur accès à l’eau potable, l’accès aux rétroviraux (contre le VIH) et la protection contre le paludisme. En Afrique subsaharienne, le taux de la population ayant accès à l’eau potable améliorée est passé de 47 % en 1990 à 68 % en 2015 ; et le taux d’enfants de moins de 5 ans dormant sous une moustiquaire imprégnée de produits antipaludéens est passé de 2 % en 2000 à 68 % en 2015. Globalement, ces améliorations ont profité avant tout aux plus jeunes : entre 1990 et 2015, la mortalité de 0 à 5 ans a été pratiquement divisée par deux au niveau mondial. Dans les pays riches, l’augmentation de l’espérance de vie s’explique plutôt par un meilleur traitement des maladies de l’adulte. En France, par exemple, elle est liée à l’amélioration de la prise en charge des maladies de l’appareil circulatoire et des cancers.

Mais à quoi ressemblent ces années gagnées ? Dès les années 1960, des chercheurs réfléchissent à un nouvel indice, l’espérance de vie en bonne santé, afin de mieux appréhender ces années « bonus ». Dans ses différentes versions (espérance de vie corrigée de l’état de santé, espérance de vie sans incapacité, etc.), cet indice est mis en œuvre à partir des années 1980, et intègre petit à petit les bilans internationaux. Il doit bien sûr être utilisé avec précaution. Qu’appelle-t-on incapacité ? Comment différencier une incapacité transitoire et l’incapacité chronique ? Comment corriger la subjectivité des déclarations des personnes ? Comment avoir un indicateur robuste, stable, applicable à tous les pays ? Malgré ces réserves, il met en évidence des tendances intéressantes. L’Inserm révélait ainsi à la presse en avril 2013 qu’en Europe, les années vécues sans limitation d’activité et/ou maladie chronique avaient diminué entre 2005 et 2011. Mais étonnamment, l’espérance de vie en bonne santé perçue avait, elle, augmenté. Cette contradiction s’explique probablement par la qualité de la prise en charge des personnes subissant une maladie chronique ou un handicap. Ce qui nous rappelle que la mesure de la santé comprend à la fois la situation objective de la personne, mais aussi la perception qu’elle s’en fait, et l’efficacité de la prise en charge proposée.