Scarlett Salman : « Le coaching est un mode de régulation des contradictions du capitalisme »

Selon la sociologue Scarlett Salman, le succès du coaching professionnel témoigne d’une psychologisation du management et d’un « tournant personnel » du capitalisme. Et sa pratique relève parfois du palliatif.

D’où vient votre intérêt pour le coaching ?

En 2002, j’ai consacré mon mémoire de maîtrise au coaching. Le phénomène était encore peu connu, mais j’étais intriguée par cette rencontre paradoxale entre la rationalité économique des firmes et l’univers du développement personnel, issu de la contre-culture. Le coaching individuel emprunte à la psychothérapie la forme des entretiens individuels, confidentiels et réguliers, mais en l’appliquant au conseil en management, donc avec des objectifs professionnels. J’ai ensuite continué ce travail dans ma thèse, soutenue en 2013 et qui est au cœur de mon livre Aux bons soins du capitalisme, paru en 2021.

Comment avez-vous travaillé lors de votre thèse ?

Je me suis intéressée au coaching individuel professionnel, qui est la forme la plus emblématique. J’ai mené de nombreux entretiens auprès de coachs, de cadres coachés, et auprès de ceux qui prescrivent les missions de coaching, c’est-à-dire les responsables des ressources humaines. J’ai par ailleurs constitué des bases de données statistiques grâce à des enquêtes par questionnaires. Enfin, il était impossible d’observer directement les entretiens de coaching, qui sont confidentiels. J’ai donc moi-même suivi deux formations au coaching, et je me suis fait coacher pendant une année.

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Vous avez aussi mené une enquête sur les origines du coaching…

Les coachs présentent leur métier à la fois comme une pratique millénaire et comme une innovation. Or la démarche historique dessine une autre généalogie. Elle réinscrit le coaching dans une tradition alliant le management et la psychologie, qui remonte aux années 1930 avec l’École des relations humaines du psychosociologue Elton Mayo. Cependant, alors que ces approches étaient majoritairement centrées sur les relations au sein du groupe, le coaching décentre le regard vers l’individu lui-même et vers sa performance, en s’appuyant sur le concept de « développement personnel ». Il le fait en s’appuyant sur des techniques issues de la psychothérapie, comme la programmation neurolinguistique ou l’analyse transactionnelle – même si cet usage est rarement explicité lors des séances de coachings.

Cela signifie-t-il que les coachs ont une formation en psychologie ?