Aux yeux de nombreux au-teurs, tel Benjamin Libet, de l’université de Californie, la conscience ne serait qu’un épiphénomène nous permettant d’apprécier la réalité après coup. Notre libre arbitre tiendrait de l’illusion et nous serions des automates exécutant des « choix » sans les dominer.
La définition de la conscience sous les traits d’un épiphénomène semble néanmoins battue en brèche à la lumière des travaux réalisés par Lionel Naccache de l’unité Inserm U562 de neuro-imagerie cognitive. S’intéressant à l’étude comparée, sur les plans psychologique et neuroanatomique, de processus cognitifs inconscients et de processus cognitifs conscients assez équivalents, il a pu délimiter certaines propriétés spécifiques de la conscience.
Entre autres par le biais de recherches sur la perception subliminale, L. Naccache a montré que des processus très complexes et très abstraits peuvent se dérouler totalement à notre insu. Par exemple, le traitement d’une quantité numérique représentée par un symbole visuel, comme un chiffre arabe. De surcroît, ce traitement inconscient ne se cantonne pas dans les étages les plus inférieurs du cerveau, mais met en œuvre des régions extrêmement récentes du point de vue phylogénétique. « On n’a pas une région pour la conscience et une autre pour l’inconscient », souligne le chercheur.
Où se situe alors le propre de la conscience, entendue comme la capacité du sujet à rapporter un état mental ? Tout d’abord, le niveau d’activation des régions cérébrales concernées est plus important lors du fonctionnement conscient. Ensuite, la représentation mentale y est plus durable, virtuellement illimitée, tandis qu’elle est très évanescente lors d’un processus inconscient. Enfin, le fonctionnement conscient implique souvent un vaste espace de travail neuronal (réseau), où sont associées des régions préfrontales, pariétales, etc., ce qui n’est pas le cas du fonctionnement inconscient, plus localisé. « Ainsi, le transfert d’une information en mémoire à long terme nécessite d’être conscient, précise L. Naccache. De même, nous ne pouvons décider d’opérer un changement de stratégie sans avoir conscience du motif qui le sous-tend. » La conscience s’accompagne donc de propriétés qui lui sont propres, et cela tend à discréditer la thèse de l’épiphénomène. On sait en outre que, sur le plan neuroanatomique, elle implique notamment l’activation de plusieurs noyaux répartis dans différentes zones du cortex associatif, ainsi que de boucles thalamocorticales, c’est-à-dire de circuits mettant en résonance des noyaux de la base (en particulier le thalamus) et des régions du cortex.
Sur les traces de la conscience
Il est possible d’étudier la conscience – et l’inconscient – en laboratoire. Le but est de comprendre pourquoi certains mécanismes mentaux sont conscients et d’autres inconscients. Telle est l’énigme que cherche notamment à percer le chercheur Lionel Naccache.