Selon une certaine tradition historiographique, l’esclavagisme au 19e siècle était un mode de production dépassé, incapable de rivaliser avec l’essor de la révolution industrielle et le développement du capitalisme. Son abolition était donc inéluctable. Il a souvent été dit que, même sans la guerre de Sécession aux États-Unis, les esclavagistes, accrochés au monde d’antan, auraient quand même été balayés par le vent de la modernité. Vision biaisée, rétorque l’historien Edward Baptist dans ce livre. Selon lui, l’esclavage a au contraire été au cœur, si ce n’est le moteur, du développement économique du 19e siècle. D’abord, parce que le coton, la matière première sur laquelle s’est construite la révolution industrielle, provenait principalement du travail des esclaves. Mais aussi, et plus fondamentalement, parce qu’une grande partie de l’appareil financier des États-Unis a investi en masse dans l’exploitation de ces esclaves pour accroître cette production et en a tiré des profits colossaux qui ont dynamisé toute l’économie du pays. Voilà pourquoi l’auteur se propose de réécrire toute une partie (la « moitié ») de l’histoire de l’esclavage aux États-Unis.
The Half Has Never Been Told
The Half Has Never Been Told. Slavery and the making of American capitalism, Edward E. Baptist, Basic Books, 2014, 500 p., 19 €.