« Depuis le début de la crise, je télétravaille avec ma femme dans un petit trois pièces. Et le jeudi, quand la femme de ménage vient à l’appartement, on tourne de pièce en pièce avec l’ordi portable pour essayer de trouver un petit bout de bureau. Alors je fais tout pour me trouver une excuse pour retourner au travail… Le vrai ! » Ce témoignage d’un cadre en informatique pourrait ressembler à beaucoup d’autres. Le télétravail s’est en effet imposé à beaucoup de salariés, dans l’urgence et l’impréparation… même plusieurs mois après le début de la crise 1. Alors que, depuis des années, le cadre législatif du télétravail en France s’est assoupli, visant à développer ce type d’organisation du travail 2, rien ne laissait prévoir qu’un jour, ce serait la nécessaire réponse à une pandémie sanitaire qui donnerait un coup d’accélérateur sans précédent au télétravail. Au plus fort de la crise, au printemps 2020, 34 % des salariés ont télétravaillé, selon l’Insee). Un phénomène de grande ampleur, donc, alors qu’en temps normal, ils ne sont que 3 % à le pratiquer au moins un jour par semaine, et parmi eux en grande majorité des cadres (61 %) et surtout dans les métiers de l’informatique ou de la télécommunication 3.
Ces derniers mois, de nouveaux salariés ont donc expérimenté le travail chez soi, dans les domaines des services, du tertiaire, dans l’administration, mais aussi dans des domaines qui semblent a priori moins susceptibles d’être télétravaillés, comme l’enseignement, les métiers du social, ou même le domaine médical. En quoi le fait d’exercer son travail à distance a-t-il changé l’interaction entre le professionnel et l’autre (l’élève, le bénéficiaire d’aides sociales, le patient) ?
Contraintes sur le télétravailleur
Les études réalisées pendant les derniers mois ont aussi souligné la manière dont le travail à distance confiné a fait reposer sur la personne du télétravailleur l’ensemble des contraintes liées au travail, comme la mise en œuvre de l’espace de travail et le respect des horaires. Comme le note l’enquête réalisée par la CGT en avril, près d’un tiers des télétravailleurs n’ont pas été dotés par leur employeur en équipement informatique et près de 80 % n’ont pas disposé de droit à la déconnexion 4. Cela s’est traduit dans l’ensemble par une augmentation du temps et de la charge de travail, surtout pour les managers de proximité. Il a fallu trouver de nouveaux moyens d’encadrer et de mobiliser les équipes.