Traite négrière et essor du capitalisme

Le commerce des esclaves entre Europe, Afrique et Nouveau Monde a-t-il contribué à l’essor du capitalisme occidental ?

Tous les systèmes esclavagistes du monde ont fait appel, au moins en partie, à des réseaux de marchands faisant commerce de la vie humaine. En Occident, la traite des esclaves existe depuis l’Antiquité, où elle visait, dans les cités grecques ou à Rome, les peuples « barbares ». Les traites négrières ont, quant à elles, existé au sein même de l’Afrique noire. Elles se sont aussi étendues à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient à la faveur de l’essor de l’islam (traites orientales), enfin aux sociétés coloniales occidentales. La traite atlantique conduisit alors à la déportation de près de 12 millions d’Africains vers les îles de l’Atlantique et les Amériques, entre 1450 et la fin des années 1860.

De nombreux travaux ont tenté de percer à jour ses relations avec l’histoire du capitalisme. Cela se comprend aisément dans la mesure où cette traite est intimement liée au marché, et donc au capitalisme. Elle suppose en effet l’existence de réseaux d’approvisionnement capables de drainer un grand nombre de captifs, et donc un maillage de l’espace et une logistique. Elle repose sur la dissociation entre le lieu de « production » du captif et celui de son utilisation. L’échange joue alors un rôle essentiel dans la traite. Pour qu’il y ait commerce, il faut un fournisseur (en l’espèce souvent un État africain) qui se procure des captifs, puis un acquéreur qui se présente pour les acheter, ou les prélever comme tribut, et les déporter afin de les vendre ailleurs.

 

De l’esprit du capitalisme à la loterie négrière

La traite, comme l’esclavage, n’est pas seulement liée à la sphère de l’échange. Elle contribue aussi à élargir celle-ci. « L’esclave mobile » (1) devenu marchandise introduit en effet le travail dans la sphère de la circulation. Il est alors à la fois un être humain et un capital associé à de multiples usages possibles, car l’esclave est par définition un homme, une femme ou un enfant à tout faire (à la différence du serf, par exemple, simple ouvrier agricole) ; le tout étant déplacé par la traite.