Travailleurs des plateformes : des salariés déguisés ?

Devenir son « propre patron » en travaillant pour des entreprises comme Uber ou Deliveroo est une forme d’indépendance qui a un coût.

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C’est en 2012 qu’Uber s’implante en France, amorçant un mouvement de déploiement rapide des plateformes numériques dans de multiples domaines. Celles-ci inaugurent un nouveau modèle économique dans lequel elles jouent le rôle d’intermédiaires entre clients et prestataires de services, entre demandeurs et offreurs de travail, ces derniers ayant pour particularité fondamentale d’être des travailleurs indépendants 1.

Une aspiration à « être son propre patron »

Pour justifier le statut d’indépendant de ceux qui travaillent par leur intermédiaire, les plateformes insistent sur l’autonomie dont ils bénéficient. Le fait de pouvoir travailler quand ils le veulent permet ainsi à certains de cumuler cette activité avec la poursuite d’études ou avec un autre emploi. On constate néanmoins qu’à la différence des chauffeurs Uber américains, les chauffeurs français exercent cette activité à titre principal 2. Et si la livraison instantanée était initialement exercée en complément de revenus ou comme un job étudiant, elle s’est ensuite professionnalisée pour devenir l’activité principale et l’unique source de revenus des jeunes qui l’exercent dorénavant 3. Ces travailleurs des plateformes « professionnels » voient l’indépendance comme une opportunité d’accéder à l’emploi et d’échapper à la subordination qu’ils associent au statut salarié.

S’ils sont souvent entrés dans ce métier « faute de mieux », ils ont souvent été séduits par l’autonomie au travail associée au statut de travailleur indépendant. Pour la plupart issus des catégories populaires immigrées et sortis tôt du système scolaire, beaucoup ont connu le chômage ou occupé des emplois précaires aux conditions de travail pénibles, avec une forte pression de la hiérarchie. Le fait d’« être son propre patron » leur donne ainsi un sentiment de liberté. Leurs espoirs ont rapidement été déçus. Outre le fait que l’activité de livreur et de chauffeur exercée via les plateformes à titre principal génère de la précarité, ces travailleurs ne bénéficient pas d’autant d’autonomie qu’ils l’espéraient en entrant dans le métier.