Qui sont les joueurs de rugby en France ? Y a-t-il des changements liés à l’apparition d’un statut professionnel en 1995 ?
Les seuls éléments dont on soit à peu près sûr, c’est que, chez les amateurs, la proportion des ouvriers a toujours été très faible, contrairement au rugby à XIII et au football. Toutes les professions sont représentées. On constate par ailleurs que la proportion des agriculteurs a énormément diminué au cours du dernier demi-siècle.
Quant aux professionnels, environ un millier sur 250 000 licenciés, le recrutement se fait encore fondamentalement à partir des clubs : petits clubs formateurs – et vite pillés – comme Saint-Vincent-de-Tyrosse (Landes) ou Massy (Essonne), ou grands clubs comme le Stade toulousain ou le Stade français.
Qui dit professionnalisation dit pouvoir accru de l’argent, des médias, de la publicité, et donc nécessité d’attirer de nouveaux publics. Max Guazzini, président du Stade de France, amène autour de la pelouse un nouveau public, peu versé dans la « culture rugby », en lui offrant un spectacle total avec pom pom girls, karaoké géant et animations diverses. Le match n’est plus qu’un élément parmi d’autres. Cela a le don d’irriter les anciens, qui ne s’y reconnaissent plus. Il n’en résulte pas pour autant, en tout cas pour l’instant, une dérive vers des comportements plus agressifs. Les supporters ultras n’existent pas au rugby.Le professionnalisme et la rationalisation qu’il impose à tous les niveaux impliquent probablement une approche plus individualiste du jeu, mais on manque de recul pour l’apprécier. La professionnalisation transforme insidieusement le jeu en travail, accentue l’importance de l’enjeu financier au détriment du jeu, soumet les joueurs à des pressions médiatiques et publicitaires intenses. En particulier cela renforce le pouvoir de la télévision qui, on l’a vu avec d’autres sports, tente souvent de faire modifier certaines règles du jeu. Que deviendrait la culture du rugby, et notamment ses valeurs de solidarité, si l’on imposait la disparition de la mêlée sous prétexte qu’il s’agit d’une phase de jeu obscure pour le profane ? Mais gardons-nous de tout catastrophisme : le rugby semble pour l’instant prouver qu’il a encore de belles capacités de résistance.