Au long des trois dernières décennies en France, les différences entre les territoires demeurent importantes. Mais de quels territoires s’agit-il ? Ces dernières années, la trilogie ville centre/périphérie urbaine/rural a été privilégiée. Ces trois catégories rendent en effet bien compte de plusieurs inégalités actuelles.
Au cours des dernières décennies, la ségrégation spatiale s’est amplifiée. Ainsi, les jeunes se sont concentrés dans les grandes villes (capitales régionales, métropoles, Paris). Les 20-24 ans représentent 15 % de la population à Rennes ou Montpellier, mais seulement 2 % dans les communes rurales de la Creuse. La prolongation des études l’explique en partie, mais le phénomène touche aussi les jeunes entrés dans la population active : avec le recul de l’âge d’accès à l’emploi stable et plus encore de celui de la formation de la famille, un nouvel âge de la vie est apparu et il se déroule dans les grandes villes.
Une géographie clivante
Autre concentration, celle des cadres supérieurs qui eux aussi se sont regroupés dans les grandes villes. Ils constituent 30 % de la population active parisienne, mais seulement 3 % de celle rurale de la Haute-Saône. Dans les années 1980, les classes supérieures étaient encore présentes sur une grande partie du territoire car impliquées dans l’industrie. Mais un monde d’ingénieurs a été remplacé par une société tertiaire et financière. Sans surprise, le revenu médian s’accroît avec la dimension de la commune (mais régresse légèrement au centre des grandes villes) et le niveau d’instruction suit la même logique. La concentration a même lieu au carré si l’on peut dire : les cadres les plus diplômés sont d’autant plus fréquents parmi l’ensemble des cadres que la commune est importante. Inversement, la proportion des ouvriers s’accroît à mesure que l’on s’écarte des villes, de même que celle des artisans. Une ségrégation se met ainsi en place entre manuels et intellectuels : ceux qui travaillent la matière – artisans, agriculteurs, ouvriers – sont cantonnés dans le rural tandis que les employés, les professions intermédiaires et supérieures tendent à peupler les villes et leur périphérie.
Hervé Le Bras, Gabriel Dupuy (dir.), , Economica, 2017.