Une courte histoire des vacances

Villes désertées et plages bondées en été : la recette des vacances modernes n’est pas née en un jour. Son succès au 20e siècle résulte de l’heureux mariage d’une poignée d’ingrédients culturels, économiques et sociaux légués par l’histoire.

1626447952_facebook-shared-image.jpeg

Vacance : le mot est ancien, mais le contenu n’y était pas. Aussi loin que les historiens parviennent à remonter, ils trouvent que des « vacances » existaient, mais seulement pour les écoliers. Dans la Rome impériale, le reste des jours non travaillés était gouverné par les rites et les fêtes de la cité. Les maîtres d’école, eux, s’interrompaient longuement de juillet à octobre, selon un calendrier saisonnier qui, malgré quelques variations d’ampleur, est resté globalement le même jusqu’à nos jours en Europe. Faisons un saut. Au Moyen Âge, après une période plutôt confuse, c’est l’université qui réinventera les vacances pour les étudiants, ramenées à un mois à la fin de l’été, et à une semaine à Noël et Pâques, religion oblige. Mais ce temps de congé était-il pour autant un moment de loisir et de repos ? Jusqu’à nouvel ordre, le vacationem tempore ne désigne rien de plus que la cessation des cours (et des activités des tribunaux, semble-t-il). Dans quel but ? L’historien Henri Boiraud écrit qu’il s’agit de se plier aux nécessités naturelles du climat d’une part, et aux « obligations laborieuses » 1 d’autre part. Beaucoup d’étudiants, jusqu’au 16e siècle au moins, avaient à gagner leur vie et payer leurs études, les maîtres à compléter leurs revenus, les écoliers, qui eux n’ont souvent que trois à quatre mois de cours d’hiver dans l’année, travaillent aux champs. Bref : la « vacance », ce n’est pas des « vacances ».

La recette des vacances modernes, celle que nous appliquons sans remords de nos jours, exige un second ingrédient : le respect dû aux loisirs. Or l’oisiveté, en régime chrétien, n’a pas bonne réputation, elle est même, au 14e siècle, stigmatisée par l’Église : si l’on n’étudie pas, on prie, et si l’on ne prie pas, on travaille à autre chose, on vaque à des affaires, on participe à la vie publique selon son rang. À cet égard, l’Occident chrétien a renié son passé : les citoyens romains, eux, savaient valoriser l’otium, les séjours champêtres et balnéaires, et les plus riches pratiquaient la villa de campagne, en Toscane ou en Campanie. À la fin de la République, il existait même, autour du golfe de Naples, des stations de vacances à Baïes, à Capoue, à Pompéi, dont Sénèque, il est vrai, dénigrait en l’an 64 la vulgarité des plaisirs qu’on y observe 2. C’était presque le Cap d’Agde, à l’en croire… Il faudra donc longtemps encore en Occident, et des circonstances favorables, pour qu’après la Révolution, le farniente retrouve quelques lettres de noblesse, et surtout de nouvelles raisons de l’estimer utile.