Elles s’appellent Clémence, Louise, Camille… En première série littéraire, économique et sociale, scientifique, elles ont une trajectoire culturelle favorable : leurs préférences s’affirment via de nombreuses activités, un goût prononcé pour la lecture et un style musical spécifique. Louise, 16 ans, lit L’Insoutenable Légèreté de l’être de Milan Kundera. Clémence, 17 ans, lit Art de Yasmina Reza et a lu Le Rouge et le Noir (pour le lycée), Camille, 16 ans, Mille femmes blanches de Jim Fergus et Madame Bovary « par curiosité ». Elles ont intégré les codes de la lecture « savante » dispensés au lycée, qu’elles transposent dans leurs lectures personnelles. Clémence et Louise disent lire davantage depuis une période récente : difficile de démêler ce qui, dans leur goût de la lecture, relève de l’imposition scolaire – renforcée par l’épreuve prochaine du bac français – ou de l’intérêt personnel, mais ce dernier est bien présent car ce sont de fortes lectrices même hors des cours.
Une recherche de la distinction…
Alors que le collège est une période d’apprentissage des styles, arrivés au lycée, les adolescents ont étendu leur répertoire musical : jazz, reggae, pop rock, électro, opéra, nouvelle scène française… Certains grands adolescents opèrent des distinctions très fines entre plusieurs courants de la musique rock : Camille cite le groupe de punk rock Sum 41 et le groupe de rock alternatif Fall Out Boy. Clémence écoute des groupes de pop rock peu connus du grand public tels Augustana ou Vertical Horizon. La radio illustre cette spécialisation musicale : Louise écoute Jazz Radio, qui s’éloigne des stations habituelles destinées aux ados. Les loisirs de ces lycéennes sont marqués par une culture de la distinction chère à Pierre Bourdieu. Louise pratique l’équitation et veut refaire du théâtre, Clémence fait des compétitions de tennis. Ces filles sont sélectives dans leurs sorties : si elles citent spontanément les concerts, le shopping et le cinéma entre amis – Louise aime le réalisateur Pedro Almodóvar –, elles ne fréquentent pas les discothèques dont elles apprécient peu l’ambiance. À la télévision, Clémence et Louise ne regardent quasiment que les actualités. Elles utilisent en revanche l’ordinateur, vers lequel se déplacent les activités créatives au fil de l’âge : Camille réalise ses propres vidéos sur ordinateur et, maîtrisant la programmation, s’essaye à la création de sites Web.
Christian Baudelot, Marie Cartier et Christine Détrez, Seuil, 1999. Hervé Glévarec, INA/Armand Colin, 2002.Céline Metton-Gayon, L’Harmattan, 2009. David Le Breton et Daniel Marcelli (dir.), Puf, 2010. , n° 130, juin 2009.