À la recherche d'une force vitale

À la différence d’un objet inerte, un être vivant apparaît comme animé par un élan intérieur ou une sorte de pulsion. Mais ce mouvement est-il réellement indispensable pour définir la vie ?

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Nous savons tous, intuitivement, distinguer un être vivant d’un objet inanimé. Pour certains, comme le biologiste James Lovelock, cette capacité innée tient au fait que nous appartenons nous-mêmes à la première catégorie : distinguer l’animé de l’inanimé serait un trait de l’évolution de la vie organique, permettant par exemple aux proies d’identifier instinctivement leurs prédateurs, et inversement. Mais si nous savons reconnaître ce qui est vivant, nous ne savons pas forcément à quoi assigner cette différence, ni dire en quoi elle consiste exactement. Nous avons même toutes les peines à donner une définition claire de la vie ! Il existe trop de cas limites, d’objets à mi-chemin entre l’animé et l’inanimé : « Une plante qui est préformée dans la semence est-elle en vie ? », s’interrogeait par exemple le philosophe John Locke (1632-1704) dans son Essai sur l’entendement humain. Ce genre de question s’est posé tout au long de l’histoire des sciences : dès l’Antiquité, Aristote se demandait par exemple si les huîtres, à la fois minérales et organiques, étaient de véritables vivants. Au 18e siècle, des biologistes se demandaient si les spores étaient des formes de vie actuelles ou latentes. Ce serait une erreur de croire que nous sommes aujourd’hui à l’abri de telles hésitations. Les débats sur la nature des virus (vivants ou pas ?), la recherche de formes de vie non terrestres en astrobiologie ou encore les développements de la biologie de synthèse, ne cessent d’interroger nos préjugés sur la vie et l’idée d’une séparation nette et franche avec l’inanimé. Comme l’écrivait encore J. Locke, il est tout à la fois « facile de se rendre compte qu’une idée claire, distincte et déterminée n’accompagne pas toujours l’emploi d’un mot aussi connu que celui de vie ».

Une anomalie ?

Contrairement aux objets inertes, qui ne semblent obéir qu’à des causes extérieures, le vivant semble réaliser une sorte de projet, et ce même aux degrés les plus infimes de l’organisation biologique : le rêve de toute cellule est de devenir deux cellules, disait dans cet esprit le biologiste et prix Nobel François Jacob. Autre différence avec les objets inanimés : l’activité du vivant paraît consister, pour une large part à résister… au monde physique précisément. Pour Georg Stahl par exemple, chimiste et médecin des 17e et 18e siècles, la vie est ce qui oppose une résistance dynamique aux forces de dissolution chimiques. Pour le médecin Xavier Bichat (1771-1802), elle est « l’ensemble des forces qui résistent à la mort », c’est-à-dire à l’action que les corps bruts exercent sur elle. Autrement dit, la conservation des corps inorganiques semble n’engager qu’une persistance passive, tandis que les organismes vivants se conservent activement. Ils croissent et se développent de manière ordonnée. Ils se réparent et cicatrisent, renouvellent sans cesse leurs parties et entretiennent leur forme. Ils se reproduisent et évoluent…