À qui profite le travail à la carte ?

Le covid a bouleversé les entreprises et conforté des tendances émergentes – numérisation des activités, autonomisation des salariés… Une évolution à double tranchant.

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L'économie sort la tête de l’eau, mais les Français peinent à trouver leur rythme. La crise a engendré un surcroît de charge de travail, des horaires plus longs et atypiques, ainsi qu’une intensification émotionnelle. Un travailleur sur quatre estime être plus souvent « bouleversé, secoué, ému dans son travail » 1. 60 % se déclarent stressés par exemple, c’est deux fois plus qu’en 2019. Beaucoup jugent notamment écrasante leur charge mentale professionnelle, soit l’ensemble des sollicitations, préoccupations et pensées même involontaires liées au travail. « Déjà présente en précrise, (la charge mentale) s’est vue propulsée sur le devant de la scène suite au télétravail forcé des confinements de 20202 » De nombreuses entreprises n’étaient pas préparées aux outils numériques et y ont eu recours dans la précipitation, tandis que leurs employés n’ont pas toujours bien géré cette intrusion du bureau dans leur foyer. Après 18 mois de télétravail subi et un retour à la normale en dents de scie, le nombre de burnout « continue d’exploser » : 2,5 millions de salariés apparaissaient en plus ou moins grande « détresse psychologique » fin octobre 3.

En télétravail à temps plein, les salariés ont du mal à déconnecter, à cultiver des relations saines avec leurs collègues et à préserver leur vie personnelle. À temps partiel en revanche, beaucoup apprécient de retrouver plus de liberté et veulent la conserver – l’équilibre souhaité oscille entre deux et trois jours sur site par semaine. Certains en profitent pour revoir leur mode de vie et quitter les grandes villes. La crise sanitaire aurait cependant moins déclenché que conforté cette tendance, selon le sociologue et démographe Jean Viard dans La révolution qu’on attendait est arrivée (L’Aube, 2021). Les métropoles avaient commencé à se dépeupler avant la pandémie ; de plus en plus de Français cherchaient des moyens de vivre au vert tout en bénéficiant du dynamisme économique de la ville. Pendant les premiers confinements, près d’un million de Franciliens ont par exemple (re)goûté au plaisir de la campagne, et beaucoup voudront probablement continuer à alterner avec la métropole. La pandémie devrait ainsi conforter la montée en puissance de modes d’organisation hybrides et, pour celles et ceux qui le pourront, de la birésidence, analyse J. Viard. Pour les entreprises comme en matière de politique de la ville, l’enjeu serait désormais de jeter de nouveaux ponts entre ces espaces périurbains en plein boom et les grandes métropoles – où l’activité de production restera malgré tout concentrée, envisage le sociologue.