Autorité : où sont passés les modèles ?

Si les formes de l’autorité ont évolué avec la progression des pratiques démocratiques, l’institution scolaire semble démunie devant ces transformations. Les anciens modèles n’opèrent plus, les nouveaux restent à trouver…

« Je veux bien apprendre à lire, mais je veux pas qu’on me force », annonça Mathilde, 6 ans, à ses parents dont la maîtresse venait de faire état de quelques turbulences dans le comportement de leur fille. Cela commençait bien ! On était au début des années 1980. Aujourd’hui, après une scolarité vécue comme pénible et parfois chaotique, Mathilde est cependant devenue une infirmière épanouie, attachée à son métier.

De cette phrase spontanée et péremptoire, l’enfant ne résumait-elle pas l’état d’esprit qui anime les générations d’écoliers, de collégiens et de lycéens depuis lors ? Depuis quelque temps déjà, toutes les analyses le montrent, la « crise de l’autorité » a atteint l’école de plein fouet.

Nées dans des sociétés porteuses d’un idéal démocratique, les jeunes générations supportent de plus en plus mal les impératifs d’une institution scolaire qui requiert, pour fonctionner, autorité, discipline, imposition d’apprentissages et de programmes parfois bien éloignés de leurs centres d’intérêt… La démocratie s’est installée dans les familles, elles-mêmes tiraillées dans l’éducation de leurs enfants entre désirs contradictoires : souci de l’épanouissement, droit à la libre expression d’un côté et, de l’autre, aspiration très forte à la réussite de leur progéniture supposant pression et soumission librement consentie…

Les années 1970 ont porté le coup de grâce aux figures autoritaires, incarnées par ce que l’époque a appelé les « trois P » – père, patron, professeur – tout puissants. Toutes les analyses de philosophes, essayistes, sociologues, psychologues ou éducateurs ont observé ce changement de paradigme de nos sociétés qui semblait sonner le glas de l’autorité (1).L’affaire est entendue : comme l’a expliqué le psychanalyste Gérard Mendel, pour qui l’autorité constitue une protection contre les peurs archaïques de chacun, « les transformations du genre de vie et du rapport entre les générations, les bouleversements introduits dans la culture (…) ont affaibli les valeurs traditionnelles, dont l’autorité (2) ». Pour cet auteur d’ailleurs, vouloir concilier autorité et démocratie revient à vouloir réaliser « l’alliance de l’eau et de la flamme »