Le passage à l’acte, c’est la mise en action de la violence. Dans la plupart des cas, la violence des émotions et des sentiments ne débouche pas sur des actes violents parce que, entre l’émotion ou le sentiment et l’acte, il y a un espace pour la pensée : on cherche à comprendre, on relativise, et pour la parole, on met en mots ce que l’on a ressenti, pour soi et pour les autres. Mais parfois, cet espace n’existe pas : l’acte violent remplace la pensée et la parole. En psychologie, on parle d’« échec de la mentalisation ». Il existe plusieurs types de passages à l’acte.
• Le passage à l’acte impulsif. C’est là que l’échec de la mentalisation se voit le mieux : non seulement les auteurs ne pensent pas leur acte avant de le commettre, mais parfois, ils n’en prennent conscience qu’après l’avoir commis : « Leur corps agit comme quelque chose qui ne leur appartient pas, ne leur ressemble pas (1). » De même, les auteurs d’une enquête sur 337 crimes passionnels perpétrés en France relèvent que, dans de nombreux cas, « le meurtre est commis au cours d’une sorte de raptus anxieux ; le criminel étant lui-même comme abasourdi par son geste et n’en ayant qu’un souvenir partiel (2) ». Si ces passages à l’acte sont impulsifs, ils ne jaillissent pas pour autant du néant : ils interviennent dans le cadre d’une relation marquée par la souffrance, à la suite d’un incident qui peut paraître mineur et sert de déclencheur.
• Le passage à l’acte prémédité ou mûri. Le crime avec préméditation forme la matière du roman policier classique : ses auteurs décident à froid de tuer leur victime, puis ils élaborent un plan pour échapper au soupçon. Dans la réalité, ce genre de crime paraît nettement plus rare ; ce que l’on rencontre plutôt, c’est une maturation, une évolution vers le crime. Elle se ferait en trois étapes, selon le psychologue Étienne de Greeff, qui se base sur de nombreux entretiens avec des criminels (3). La première, qu’il appelle « acquiescement mitigé », est marquée par l’apparition – qui peut être inconsciente – de l’idée du crime. La deuxième, dite « assentiment formulé », voit apparaître des ébauches de passage à l’acte : menaces, tentatives qui tournent court. La troisième est celle du passage à l’acte proprement dit, à la suite d’un incident déclencheur qui peut paraître anodin à un observateur, mais qui achève de convaincre l’auteur de l’acte qu’il est injustement traité par la personne qu’il a en ligne de mire et qu’il a raison de se venger.