Comment lutter contre ses dépendances

Arrêter de fumer, de boire, faire un régime ou se sortir d’une addiction comportementale, les techniques de changement reposent d’abord sur une analyse précise de ses motivations et conduites qui suivent des cycles désormais bien connus des spécialistes.

Depuis toujours, les êtres humains ont utilisé des produits ou ont eu des comportements pour se faire plaisir ou pour soulager une souffrance. C’est une très bonne chose ! Il n’y a en effet pas de mal à se faire du bien. Les problèmes commencent avec l’abus puis l’installation d’une dépendance. Presque tous les produits concernés par l’addiction présentent cette double face : agréables, utiles, bienfaisants et thérapeutiques, d’une part ; nocifs, pathogènes et destructeurs, d’autre part.

L’alcool est un bon exemple : l’eau-de-vie soigne, le vin bénéficie d’une aura bienfaisante pour la santé, la convivialité, la culture, voire la spiritualité mais peut également déboucher sur une maladie alcoolique ainsi que son cortège de problèmes médicaux, familiaux et sociaux.

La morphine calme la douleur, et son utilisation est un progrès important en médecine. La dépendance aux opiacés est le revers de la médaille. L’héroïne a même été introduite comme produit de substitution de la morphine, dans un but thérapeutique !

La cocaïne a bénéficié longtemps d’un traitement de faveur et, particulièrement appréciée pour ses qualités stimulantes, elle a été diffusée largement et a même bénéficié du soutien scientifique de Sigmund Freud (1) ainsi que du soutien publicitaire du pape Léon XIII qui apparaît dans les « réclames » du vin de Mariani, mélange de vin de Bordeaux et de cocaïne mis au point par un négociant corse et fort prisé par l’intelligentsia parisienne de l’époque.

publicité

Il en est de même pour les comportements : le sport est bon pour la santé et la reprise de l’activité physique est l’un des piliers de la prévention des rechutes en cas de problèmes cardiovasculaires. Trop d’activité physique devient nuisible pour la santé, ce que savent bien les sportifs professionnels qui souffrent de nombreux problèmes tendineux et articulaires et les addictions au sport ne sont pas rares, avec une souffrance terrible.

La loi est établie sur un mode identique : elle autorise, voire encourage d’une part ; elle interdit et punit d’autre part. Ainsi il est permis de boire de l’alcool, mais pas au volant ou au travail. La consommation de cannabis en France est un délit, mais reste tolérée. Les toxicomanies qui ont les conséquences les plus graves sont les toxicomanies légales : le tabac avec plus de 60 000 décès par an (2), l’alcool avec environ 30 000 décès par an (3). Par ailleurs, la plupart des personnes souffrant de dépendances alcooliques meurent des conséquences de leur tabagisme (4).

La consommation de tranquillisants de la famille des benzodiazépines est très importante, et dans ce cas il s’agit d’une addiction prescrite sur ordonnance.

 

Qu’est-ce qu’une dépendance ?

Les classifications internationales (5) définissent trois cas de figure : l’utilisation normale qui correspond à des modifications physiologiques et psychologiques temporaires et rapidement réversibles lors de la consommation d’un produit ou dans la pratique d’un comportement sans produit, comme le jeu ; l’abus, caractérisé par des conséquences nuisibles, au niveau de la santé ou/et au niveau relationnel et social. Les modifications induites biologiquement sont dans ce cas plus durables, mais restent réversibles. Enfin, la dépendance, caractérisée par l’impossibilité de ne pas consommer sans l’apparition d’un état de manque important, physiologique et psychologique et par la nécessité d’augmenter « les doses » pour obtenir le même effet. Ce phénomène est appelé tolérance. Les modifications biologiques sont alors définitives, comme l’ont montré Nora D. Volkow et Peter W. Kalivas en 2005 (6).

Une dépendance correspond à l’installation de deux phénomènes : la stimulation du plaisir par l’activation du système de récompense du cerveau (dont l’élément le plus connu est le noyau accumbens). Il s’agit d’un renforcement positif puissant du comportement addictif avec la multiplication des conduites de recherche de plaisir. Le soulagement d’un état de manque ou de souffrance, lequel met en route les structures limbiques dont la plus connue est l’amygdale. C’est alors un renforcement négatif très efficace. Les méthodes de contrôle de la consommation sont réservées aux abus alors que les méthodes de sevrage complet sont adaptées aux dépendances. Il est donc important que le diagnostic soit bien établi : l’abstinence totale et définitive d’un produit ou d’un comportement de dépendance correspond le plus souvent à un changement important du mode de vie et n’est donc pas facile à mettre en œuvre.

, « De la coca» (1884), , écrits réunis par Robert Byck, Complexe, 1976, p. 98., 2000., 2010., « Mortality following inpatient addictions treatment: Role of tobacco use in a community-based cohort », , 10 avril 1996.Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, DSM-IV-TR, 2000 ; Classification internationale des maladies, CIM 10, Masson, 1992., « The neural basis of addiction: A pathology of motivation and choice », , 2005., « Stages and processes of self-change of smoking: Toward an integrative model of change », , juin 1983., , Guilford Press, 1985.(, , Inserm, 2004., Inserm, 2005.