Cultures du monde, unité ou diversité ?

En trente ans, la circulation des biens et des personnes s’est accélérée comme jamais. A-t-elle entraîné une uniformisation culturelle de la planète ? La réponse est ambivalente.

La mondialisation croissante (lire l'article Une planète mondialisée) a de toute évidence des conséquences importantes sur la culture, entendue comme l’ensemble des pratiques et des connaissances qui permettent à chacun d’interagir avec les autres – langue, postures corporelles, règles d’alimentation ou de mariage, croyances religieuses, productions artistiques, etc. Assistons-nous depuis trente ans à une uniformisation culturelle du monde ? En la matière, tout dépend de ce sur quoi nous portons notre regard. Car comme l’analyse l’ethnologue Jean-Pierre Warnier 1, toute société possède deux sortes de biens culturels : d’un côté, les biens inaliénables ou sacrés (dieux et temples, patrimoine, terres, sépultures, rituels divers), de l’autre, des biens qu’on peut donner ou échanger entre amis, partenaires ou alliés (artisanat, art, jeux…). Cette distinction permet de comprendre les associations ou conflits qui se jouent entre les cultures mondialisées (relevant des biens échangeables) et les cultures nationales ou locales (touchant, au moins en partie, aux biens inaliénables).

Faut-il avoir peur de l’oncle Sam ?

Prenons le cas du cinéma. En matière de production nationale de films, les pays émergents (Nigeria, Inde, Chine) produisaient à eux seuls 60 % des longs-métrages dans le monde en 2016. Mais pour ce qui est de la distribution et de l’exportation de leurs produits culturels à l’échelle de la planète, les majors hollywoodiens dominent encore et de loin le marché des supports électroniques (DVD, télévision, Internet). Et en 2016, les blockbusters comme Avatar, Titanic, Jurassic World ou les sagas Marvel ont fait leurs plus grosses recettes dans les pays occidentaux, mais ont eu un succès important aussi en Chine, en Corée du Sud, en Inde et dans les Émirats arabes unis 2. Enfin, sur les vingt-cinq principales entreprises multinationales de l’industrie média (Google, Comcast, Disney, Facebook…), deux seulement n’étaient pas occidentales en 2017 : Sony (Japon) et Tencent (Chine). Serions-nous donc tous américanisés ?