De la liberté d'enfanter à l'égalité procréative Entretien avec Camille Froidevaux-Metterie

Pour la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, les nouvelles formes de conjugalité et de parentalité impliquent de penser la procréation dans une perspective égalitaire.

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En quoi les années 1970 constituent-elles, comme vous l’écrivez dans Un corps à soi, une mutation de nature « anthropologique » pour les femmes ?

À travers la conquête des droits reproductifs que sont l’avortement et la contraception, les femmes accèdent à la possibilité de maîtriser leur capacité procréatrice, elles peuvent désormais décider du moment de leur grossesse, voire de ne pas avoir d’enfant du tout. Au regard de l’histoire de l’humanité, cette possibilité nouvelle de choisir d’enfanter ou non marque un changement de nature anthropologique : elle vient mettre un terme à des millénaires d’assignation à la maternité. Depuis l’Antiquité grecque, l’existence des femmes était définie au regard de leur double fonction sexuelle et maternelle, la première étant la condition nécessaire de la seconde. Cette caractérisation s’est prolongée jusque dans la modernité, comme socle du système patriarcal.

Quand, à partir des années 1970, les femmes peuvent refuser ce destin maternel, elles accèdent par là même à une liberté inédite, leur vie sexuelle n’étant plus lourdement déterminée par l’angoisse d’une grossesse non souhaitée. Cette révolution procréative modifie radicalement la nature de leur existence. Libérées de la maternité impérative et de l’enfermement domestique, les femmes peuvent enfin entrer dans la modernité démocratique, et prétendre devenir des sujets de droit pleinement autonomes, au même titre que les hommes.