Impétueuse jeunesse !

Tout au long de l’histoire, la jeunesse a suscité des représentations ambivalentes. Admirée comme l’âge de tous les possibles, on craint aussi ses débordements.

« Je n’ai plus aucun espoir pour l’avenir de notre pays, si la jeunesse d’aujourd’hui prend le commandement de demain… Notre monde atteint un stade critique, les enfants n’écoutent plus leurs parents ; la fin du monde ne peut être loin », déclarait le poète Hésiode… au 8e siècle avant J.C.

S’il est bien une constante dans l’histoire de la jeunesse, ce sont ses représentations ambivalentes. Platon en vantait la fougue, l’humaniste jésuite Baltasar Gracian décrivait « l’été intempérant de la jeunesse, dangereux de toutes manières à cause de la chaleur du sang et des orages des passions »… De tout temps, la jeunesse a été valorisée par les uns pour son dynamisme et son inventivité, redoutée par les autres pour ses débordements et les désordres qu’elle peut occasionner. Dans une monumentale Histoire des jeunes en Occident, dirigée par Giovanni Levi et Jean-Claude Schmitt 1, les contributions de 17 historiens donnent une description détaillée de ces représentations.

Depuis le Moyen-Âge, les archives judiciaires témoignent des charivaris et de ces « vilenies nocturnes » perpétrés par les jeunes : saccages, jets de pierres, bris de fenêtres et de portes, serrure d’une vieille veuve mal aimée enduite d’excréments 2...

Violences et parades viriles

« Ribauds, scélérats, dissolus de mauvaise vie », selon les archives, les jeunes se posent en « gardiens du désordre » et en contestataires de l’ordre établi. Non dénués d’humour, ces rites ne sont pas non plus exempts de brutalités envers les adultes. Au 16e siècle à l’université de Douai, les étudiants mettaient les bourgeois dans des tonneaux et les faisaient rouler sur des pentes avant de les frapper ! Au 19e siècle, des affrontements parfois très durs se produisent entre collégiens et maîtres. Et étudiants et jeunes ouvriers sont les principaux acteurs des épisodes révolutionnaires de ce siècle.

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Aujourd’hui, les mouvements de révoltes estudiantines et les phénomènes de bandes dans les banlieues font encore régulièrement la une de l’actualité. Si les pratiques violentes n’ont pas disparu du monde contemporain, elles n’ont cependant plus rien à voir avec ce qu’elles furent par le passé, fait remarquer l’historien Robert Muchembled dans son Histoire de la violence : « Du Moyen-Âge jusqu’au 18e siècle, il existait ce que l’on appelait des “royaumes de jeunesse” : entre l’âge de la puberté et celui du mariage, les jeunes garçons, la nuit, les jours de fête ou après le travail, se réunissaient et se livraient à des rixes entre bandes rivales… On s’affrontait à l’épée et au poignard, laissant des tués et de nombreux blessés, sans pour autant que les auteurs soient vigoureusement poursuivis. Les bandes de jeunes étaient en quelque sorte des soupapes de sûreté, tolérées par les adultes. La bande est aussi le moyen de se confronter aux autres dans une sorte de rituel de parade virile : occuper le terrain, être meilleurs que les adversaires, envahir leur territoire, plaire aux filles 3 »