J'achète donc je suis ?

La consommation est assimilée à la possession et à l’accumulation d’objets. Mais pour la comprendre, il faut revenir aux trois activités fondamentales de l’agir humain : l’être, l’avoir et le faire.

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Un enfant a-t-il vraiment besoin de posséder 200 jouets s’il ne joue régulièrement qu’avec 12 ? Un adulte est-il vraiment plus heureux s’il achète plus d’un vêtement par semaine ? Dans l’imaginaire collectif, la pulsion d’accumulation alimente tous les fantasmes et la plupart des critiques à l’égard de la société consumériste. De fait, la surconsommation a des travers. L’étouffement guette les personnes qui se laissent happer par le syndrome de l’achat compulsif, par exemple 5 % de la population américaine. Celui-ci nous pousse à acheter de façon démesurée des biens permettant de calmer une anxiété, de pallier une frustration ou de nous donner une illusion de puissance. Mais réduire la consommation au seul fait d’accumuler des biens matériels, c’est oublier qu’elle renvoie aussi à un système de classification des biens et des personnes.

Marqueur social

Comme l’a montré l’anthropologue anglaise Mary Douglas 1, le rôle de la consommation est de catégoriser les individus en leur attribuant des caractéristiques sociales, culturelles et personnelles. Les objets marchands ont une signification sociale, dans la mesure où chacun est un marqueur permettant, par son style et son prix, d’indiquer notre position dans l’espace social. Les marchandises que nous achetons sont représentatives d’un capital qui, comme l’a mis en évidence le sociologue Pierre Bourdieu dans La Distinction (1979), se structure selon une dimension économique, sociale et culturelle. La consommation exprime toujours un style et un goût qui se construisent familialement et socialement. C’est pourquoi le principal reproche adressé à la société de consommation est sa tendance à reproduire des structures inégalitaires, dans la mesure où il est très difficile d’acquérir un solide capital culturel si celui-ci ne s’est pas construit dans l’enfance et l’adolescence grâce à la famille et aux relations sociales. La notion de goût est un fort marqueur social.