Le Britannique John Maynard Keynes a été l’un des économistes les plus influents du siècle dernier. Devenu très jeune professeur à Cambridge, Keynes participe à la Conférence pour la paix de 1919, où il prend position contre les réparations trop fortes imposées à l’Allemagne. Il dirige également la délégation britannique aux accords de Bretton Woods (1944), et ses travaux restent associés au redressement économique de l’après-guerre dans le cadre de l’État-providence. Auteur à succès dès son jeune âge, il est toujours resté un esprit éclectique, ouvert à tous les aspects de la vie intellectuelle et des arts.
La demande effective
Son œuvre majeure, la Théorie générale (1936) jette les bases de la macroéconomie et propose des solutions aux déséquilibres du marché à partir d’une action régulatrice destinée à relancer la croissance. Il s’y montre critique vis-à-vis de l’approche classique de l’économie – ce courant qui, depuis Adam Smith, David Ricardo (1772-1823), Jean-Baptiste Say (1767-1832), John Stuart Mills (1806-1873) et leurs continuateurs 1, envisageait l’économie de marché comme un système tendant à l’équilibre. Pour Keynes, le dogme de l’adéquation spontanée de l’offre et de la demande n’est valable qu’en moyenne. Concrètement, un entrepreneur n’augmente sa production et n’embauche des salariés qu’en fonction de ses prévisions de ventes. Cette demande escomptée par les entrepreneurs, Keynes l’appelle « demande effective ». Or, cette demande ne correspond pas au total des débouchés possibles. En effet, tous les revenus distribués ne sont pas automatiquement dépensés. Le consommateur peut préférer épargner plutôt que de tout consommer. De la même façon, une entreprise qui touche des revenus supplémentaires ne va pas forcément les réinvestir ; elle préférera peut-être spéculer en Bourse. La transformation des revenus en dépenses de consommation ou en investissement dépend donc d’une « propension à consommer » et d’une « incitation à investir », dont il faut analyser les ressorts. Ce décalage entre la demande effective et les débouchés possibles constitue, selon Keynes, la base d’un déséquilibre.