L'antipsychiatrie. L'escroquerie de la folie

En les muselant sous prétexte de folie, la société se débarrasse de ceux qui sortent du rang. Telle est la thèse soutenue par l’antipsychiatrie, mouvement aussi radical qu’éphémère, inséré dans la contre-culture des années 1960, et volontiers politique.

À la fin des années 1950, le psychiatre américain Thomas Szasz (né en 1920) proclame que la maladie mentale n’existe pas mais participe d’un mythe : aux inquisiteurs de l’Église auraient succédé les psychiatres assurant l’enfermement des sujets indésirables pour le corps social. Sur le mode « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », la finalité arbitraire des pratiques asilaires serait de bâillonner toute contestation des normes en prétextant la folie, notion fantôme tout à fait vide de sens. Pour T. Szasz, la psychanalyse et les autres psychothérapies participent d’ailleurs de cette répression violente.

 

Le malade mental, victime émissaire

Dans les années 1960, le psychiatre britannique David Cooper (1931-1986), avec ses confrères Ronald Laing (1927-1989) et Aaron Esterson (1923-1999), lance le terme d’antipsychiatrie. Tous trois préconisent un bouleversement total des pratiques. La psychiatrie doit se renouveler en apprenant de ceux qu’elle désigne comme fous, et qui ne font rien d’autre qu’essayer de préserver leur liberté face aux déterminismes sociaux de tous ordres. D’ailleurs, à la même époque, Gregory Bateson et l’école de Palo Alto considèrent le malade mental comme la « victime émissaire » de sa famille, celui que l’on stigmatise pour masquer la défaillance des relations interpersonnelles et maintenir à tout prix l’équilibre du groupe : A. Esterson et R. Laing défendront des thèses analogues.

• Ronald D. Laing, 1960, rééd. Stock, 1993.• Thomas Szasz, 1961, rééd. Payot, 1975.• Aaron Esterson et Ronald D. Laing, 1964, rééd. Maspero, 1970.• Ronald D. Laing et David Cooper, 1964, rééd. Payot, 1976.• David Cooper, 1967, rééd. Seuil, coll. « Points », 1978.• Franco Basaglia, Seuil, 1970.• Mary Barnes et Joe Berke, 1971, rééd. Seuil, coll. « Points essais , 2002.• David Cooper, 1971, rééd. Seuil, 1975.