La culture, moteur de notre évolution

La Symphonie inachevée de Darwin, Kevin Laland, La Découverte, 2022, 450 p., 28 €

L’intelligence, le langage, les technologies humaines sont sans équivalents dans le reste du monde animal. Selon Kevin Laland, notre espèce a elle-même créé les conditions de ce développement exceptionnel.

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Les humains ne sont pas des animaux comme les autres. Cette affirmation est à la fois évidente et controversée. D’un côté, l’intelligence humaine paraît sans égale dans la nature ; de l’autre, cette idée semble mettre l’humanité sur un piédestal et minorer les formidables capacités d’autres espèces. En toile de fond, ce débat fait écho à l’histoire de la biologie : Charles Darwin démontre au 19e siècle que l’humanité fait partie du monde animal. Mais il s’avoue incapable de dire pourquoi les autres espèces ne parlent pas comme les humains, pourquoi elles n’inventent pas la roue ou le moteur à explosion, ne composent pas d’opéras ni de sonnets. Dans la deuxième moitié du 20e siècle, de nombreuses études réévaluent à la hausse l’intelligence de nombreux animaux – grands singes, oiseaux, insectes… –, la complexité de leur vie sociale ou encore leur aptitude à communiquer. Mais le mystère demeure, réaffirme aujourd’hui le biologiste de l’évolution Kevin Laland : « Dans un certain nombre de dimensions clés, en particulier dans le domaine social, la cognition humaine dépasse de loin celle des primates non humains les plus intelligents. »

Depuis plus de vingt-cinq ans, ce chercheur s’efforce de résoudre cette énigme afin de compléter « la symphonie inachevée de Darwin » – titre de son dernier ouvrage. La thèse qu’il défend est à la fois audacieuse et étayée : les humains ont été les acteurs de leur évolution. À la différence d’autres animaux, ils ont créé un environnement favorisant l’accumulation et la communication de connaissances, et cet environnement a entraîné en retour la sélection d’individus de plus en plus aptes à assimiler et à transmettre ce savoir. Ce cercle vertueux, survenu uniquement dans notre lignée de primates, serait à l’origine du développement exponentiel de nos facultés cognitives et de la complexité croissante de notre vie culturelle.